Ce vendredi, un partenaire professionnel m'a entretenu pendant une bonne heure de la situation politique. Sa question tournait autour de : à quoi peut bien servir de militer au MoDem, alors qu'il est laminé par la logique institutionnelle gauche-droite française, alors que le pouvoir appartient à des réseaux indéracinables ? J'ai répondu en substance, comme je l'avais fait il y a 3 ans 2 ans 1/2, que c'était affaire de conviction.

Le soir même, je lis que même Hervé Torchet se demande "À quoi sert le Mouvement Démocrate ?". Il s'interroge en particulier (pas seulement) sur les choix de François Bayrou : "En réclamant aux adhérents du Modem un esprit "commando", Bayrou a réitéré le choix qu'il avait déjà exprimé du temps de l'UDF : celui d'un appareil voué à lui obéir sans débat, un choix qui a à mon avis accéléré le déclin démographique de la vieille famille centriste et démocrate. (...) Il y a ... une opinion commune chez les politiques, chez les gens d'en haut, ceux qui nous gouvernent, que la participation des citoyens est un leurre et que l'adoration est l'état natif du militant politique. Tant pis pour eux s'ils croient cette folie. Mais ... ils sont alors moins en situation de critiquer la pratique despotique et discrétionnaire (pour ne pas dire arbitraire) du président Sarkozy, puisque leur conception du pouvoir est en fait la même. (...) Ce constat ne signifie pas que je ne soutienne pas Bayrou, il y a un socle programmatique qui nous est propre et que Bayrou, je crois, n'éludera pas s'il est élu et s'il conquiert le pouvoir législatif ensuite : liberté de la presse, indépendance de la justice, bonne gouvernance, saine gestion. (...) Mais ce constat fait que je ne perdrai pas mon temps dans des activités vides de sens."

Voici une reprise de mes commentaires chez Hervé, pour donner suite aux remarques participatives de lecteurs-adorateurs de blogs, enfin d'un commentateur du blog d'Hypos.


Je suis entièrement d'accord avec l'article d'Hervé, mais pas tout à fait avec ce qu'il dit de François Bayrou.

Quand des nouveaux militants, qui avaient rallié avec enthousiasme François Bayrou, avaient investi (transféré) sur lui énormément d'eux-mêmes, en encaissent le contrecoup en revenant au réel - je comprends le déchirement, l'aigreur, la douleur qu'ils peuvent ressentir. Et au passage, j'imagine que ça fait partie du plus difficile dans le métier de personnage politique médiatique : la violence que vous subissez de la part d'enthousiastes frustrés, de personnes dans la confusion - elles vous voudraient superman, et vous n'êtes qu'un homme ordinaire, elles pensaient être un peu vous, et elles ne le sont pas. Mais un démocrate au long cours comme Hervé, qui connait son François Bayrou depuis l'aube des temps centristes ou presque, aurait pu être plus juste (de mon point de vue).

En demandant un "commando", François Bayrou refuse le débat ?

J'avais eu le plaisir de lui poser la question du commando (pour France démocrate). Quelles que soient les connotations du mot, et aussi faible que soit notre envie de rester au garde-à-vous, François Bayrou ne refuse pas le débat. À l'UDF, il y en avait, que je sache - censurait-on qui que ce soit ? Dans les congrès, quand la parole est à la salle, c'est vraiment M. Lambda dans la salle qui peut dire ce qui lui passe par la tête, sans filtre ni noyautage. Au congrès de janvier 2005, j'étais participant de base qui ne connaissait personne dans la salle et que personne ne connaissait, et j'ai fait adopter deux amendements aux motions proposées au vote. Lors de ma première réunion de section, j'ai assisté à un débat courtois et approfondi avec… une personne qui venait de se présenter à une législative en candidature "sauvage" en affichant dans la presse l'étiquette UDF. Sans parler des forums.udf.org, que j'ai trouvé passionnants au long des années 2003, 2004…

Au MoDem, du débat, il y en a toujours : a-t-on exclu qui que ce soit, ou même suspendu, sanctionné, averti, pour l'expression de leurs idées propres, éventuellement différentes de celles de François Bayrou ? Au contraire, beaucoup en font des blogs et certains en font des livres.

Dans mon esprit, "laisser le débat se dérouler" ne veut pas dire "payer pour organiser des divisions artificielles" : François Bayrou ne veut pas d'un parti à courants - et franchement, quand je vois le PS tenir des "assemblées de motion" en préambule ou en parallèle de leur congrès, je me dis qu'ils sont mabouls.

Bref, on peut reprocher plein de choses à l'organisation du MoDem (et je ne crois pas m'en être privé), mais pas, à ma connaissance, que François Bayrou en exclue le débat, de quelque façon que ce soit.

Autre sujet : approuver le "socle programmatique" de François Bayrou, est-ce une raison suffisante de militer dans le parti ?

Moi aussi, j'approuve le programme de François Bayrou. Plus : sur des sujets où je le trouvais moins pointu, plus flou, je lis ces semaines-ci de grrands penseurrrs et de grrands politiques qui sortent tambours et trompettes pour asséner quelques éléments élémentaires du bayrouisme des années 80 ou 90 (par exemple ceux-ci). Mois après mois depuis la campagne 2007, je me rends compte à quel point les propositions politiques de François Bayrou étaient en avance (hélas, peut-être) sur l'état du débat public et la prise de conscience de nos concitoyens.

J'approuve le "socle programmatique", mais j'approuve aussi, et plus encore, sa conviction que "la fin est dans les moyens comme l'arbre est dans la graine". Que la façon d'exercer des responsabilités produit, par elle-même, des résultats.

Et justement, il me semble que la façon de voir les choses, d'interagir avec les autres, de François Bayrou, correspond bien à ce dont nous avons besoin pour un Président - de la République,… ou d'un Conseil d'administration d'entreprise, ou d'un parti qui aurait un bon Secrétaire général.

Alors justement - au Mouvement démocrate, nous n'avons pas de Secrétaire Général et nous n'en aurons sans doute pas. J'imagine qu'entre M. Douste-Blazy et quelques autres expériences de binôme n°1/n°2, à l'UDF ou ailleurs, François Bayrou a pu se convaincre que dans les partis français, ça rate à chaque fois.

Moralité : nous avons un parti doté - comme l'UDF - d'une bonne inspiration, avec un leader incontesté, et voilà tout. Un parti sympathique, accueillant, et qui se met à "vivre" comme mouvement sous l'impulsion d'initiatives bottom-up - comme Quitterie Delmas, que cite Hervé, en a pris avec succès à plusieurs reprises. Et je préfère ça à un parti organisé fonctionnellement, aux leaders contestés et sans inspiration.

Autre moralité : je passe plus de temps, c'est vrai, à bloguer qu'à militer. Et discuter une heure sur le sarkozysme entre militants ne m'attire guère. Mais je suis prêt à distribuer demain des tracts d'adhésion… si "quelqu'un" en fait :-O