Une excellente, excellente, excellente enquête de Marianne auprès de Françaises et Français qui disent : « je vote Marine Le Pen ».

Une enquête qui a de quoi faire flipper les démocrates. J’ai maintenant une bonne idée de la favorite pour 2017… si la France ne choisit pas François Bayrou en 2012.

On y parle d'Argenteuil… et apparemment, de ses écoles.

Thierry, 22 ans, étudiant en philo : « J’ai les outils de la réflexion, je sais ce qui est fiable et cohérent et ce qui ne l’est pas. » Fiable ? Les idées de Marine Le Pen, pardi !

En débarquant dans la capitale, le jeune Niçois a perdu ses illusions.

« J’ai grandi dans la vraie France, là où les gens ne tabassent pas leurs voisins. Quand je suis arrivé à Argenteuil, la violence que j’ai découverte était inimaginable pour moi ! »

Thierry voulait être professeur de philosophie ; ses premières expériences au sein de l’Éducation nationale l’en ont dégoûté :

« C’est un milieu où je ne peux pas faire carrière, il n’y a pas d’avenir là-dedans, il n’y a plus aucun respect, ni de l’autorité, ni de la vie en collectivité. »

Thierry a d’abord adhéré à l’UMP : pas d’idées ni de débats, encore moins de résultats. (…) Le philosophe se retrouve chez Marine (…) : le FN est encore porteur d’espoir, quand Sarkozy, « avec le même programme », s’est montré impuissant.

Alors bien sûr, Marine Le Pen est loin des 50% des suffrages : je fais confiance aux sondeurs là-dessus.

Mais je fais aussi confiance à ma propre expérience des enquêtes, pour pondérer ce qui se dit.

D'habitude, les militants et partisans s’expriment de façon compliquée, tactique, masquant leurs faiblesses par des superlatifs, effaçant leurs doutes par des points de suspension. C’est plus ou moins fluide, chaleureux parfois, mais rarement très solide.

Et au contraire, ce que disent à Marianne quelques dizaines de partisans de Mme Le Pen, c’est du lourd. Leurs arguments sont simples, compacts, lourds, cohérents.

C’est du registre de : « quand on voit ce qu’on voit et qu’on entend ce qu’on entend, on a des raisons de voter ce qu’on vote ».

Évidemment, ce sont des analyses illusoires, biaisées, quand elles ne sont pas mensongères. Évidemment, pour que la France s’en sorte, il faudrait faire à peu près l’inverse de ce que propose le FN. Mais aussi… à peu près l'inverse de ce que font PS et UMP depuis 30 ans. Et tant "d'inverses" peuvent dérouter.

Ça me fait penser à 1981 : on ne gagne pas une élection en démontrant que l’autre a tort. On la gagne en étant plus fort que lui. En allant plus loin. En avançant plus vite.

Ces partisans de Mme Le Pen sont des gens tout à fait normaux :

  • Les cogitations microcosmiques des néo-centristes sur le degré de ferveur européiste à associer à la croissance de la production française,… leur sont étrangères.
  • Le subtil jeu de go entre gauche nappée de bleu ciel, et droite du pouvoir d’achat… leur est étranger.
  • La passion des journalistes politiques pour les luttes internes au PS ou à l’UMP, ou pour l’évolution de l’écart en points entre Hollande et Sarkozy… leur est étrangère.

Ex-futur enseignant de philo ou ancien d’Accenture, ouvrière CFDT ou arabe anti-musulmans, tous ont un jugement très simple sur la situation : les gens au pouvoir ont dissout le pays, matraqué d’impôts les travailleurs, distribué des aides à foison aux étrangers, bref, « ils ne nous écoutent pas ».

Le mouvement autour de François Bayrou (ou de Jean-Luc Mélenchon, ou de Nicolas Sarkozy, ou de François Hollande) est dix fois trop ténu pour arrêter ça. Trop intellectuel, trop tactique, trop réservé aux initiés.

Quel que soit le vainqueur de 2012 (vous connaissez mon avis là-dessus), nous connaissons maintenant son opposante n°1.

Et si le pays ne se redresse pas vite, dès avant la fin 2012, alors il tombera chez Mme Le Pen. À mon humble avis.