Après les lamentables sauts de cabri européistes de Libé et du Monde, suivis ce dimanche par le journal du même nom, le Monde se rattrape. Tardive mais utile "contre-enquête".
Certes le Monde se fourvoie, en première page et dans plusieurs tribunes, sur des spéculations archéo-keynésiennes sur la relance et la croissance. Il serait plus simple d'avouer que la relance, les baisses d'impôts, les promesses d'investissement public et tutti quanti relevaient du pipeau.
Plus sérieusement, le Monde titre en page 14 "La BCE fait le bonheur des Bourses et des banques", et interviewe un économiste allemand sous le titre "On ne peut pas résoudre une crise de dette par plus d'endettement".
Ce qu'il explique sérieusement est décrit, de façon encore plus juste et précise, par h16 :
Ces 500 milliards, personne ne les a.
Pour le moment, Sarkoman et sa troupe de joyeux lurons, super-héros de la finance alternative, ont réussi à vaporiser du strass, des paillettes et de la fanfreluche rose dans les yeux des méchanspéculateurs qui faisaient rien qu’à les embêter. Cent petits milliards de ce côté, cent petits milliards de l’autre, et rapidement, on commence à parler de coquettes sommes. Niveau chefs d’états, ça en fait, des putes et du champagne !
Regardez sur le petit graphique, c’est fort simple (ici un extrait de ce graphique) : Le FMI et l’Union Européenne vont donc s’associer pour faire des trous de tailles différentes. Ensuite, ils vont déplacer ces trous un peu par ici et pas mal par là, et les reboucher en faisant d’autres trous trous mignons dans le larfeuil joli des moutontribuables européens.
Fastoche !
P.S. Lisez aussi François Bayrou :
(Les 750 milliards) "c'est un répit trouvé, j'allais dire acheté et l'on voit bien la réaction des marchés, c'est à dire les Bourses. Mais ce n'est pas la réponse au problème, car la cause du problème c'est que le bon sens a disparu. ... Tant qu'on n'aura pas corrigé ces déséquilibres on aura des accidents qui nous ruineront. On a besoin que le bon sens et que le sérieux se trouvent à leur place dans les affaires publiques."
Face à "cet effondrement des finances publiques,…, il y a trois grands chapitres.
- 1er grand chapitre : les cadeaux fiscaux aux plus favorisés de la Nation ...: il y a à retrouver des recettes échappées.
- Deuxièmement : il y a des interventions de l'Etat qu'il faut revoir.
- Enfin, les comptes sociaux sont trop déséquilibrés, particulièrement sur les retraites ... Ceux qui viennent vous voir en disant "il n' y a pas besoin de réforme des retraites" sont pour moi des illusionnistes qui nous conduisent droit au mur... et on est près du mur."
C'est vraiment dommage que Bayrou se drape dans sa position de "j'ai raison seul contre tous". La situation exige qu'on collabore, pas qu'on joue à Cassandre.
Ceci étant dit, sur le fond du problème, il a raison, je dois le reconnaître.
@ GuillaumeD : il a sans doute raison en effet d'approuver le plan et de se réjouir de cette collaboration européenne : le peuple attend, de responsables de premier plan (même dans l'opposition), que dans le gros temps ils s'alignent derrière le capitaine.
Ça me fait penser à la façon dont Barack Obama faisait en 2008 la promotion du plan Paulson (TARP) sans pour autant l'approuver - avec des formules du genre "we need that plan". Quand le Titanic fonce sur l'iceberg, il devient trop tard pour recommander un virage. Au moins peut-on dire honnêtement à ceux qui vous écoutent, que le naufrage est proche.
Je suis fasciné par la capacité de tous ceux qui s'alarment des déficits à ne jamais mentionner la possibilité que peut-être le pacte de stabilité et la monnaie unique ont étranglé la croissance et donc les recettes budgétaires.
Il est exact que creuser ce point pourrait conduire à de mauvaises idées... Ceux qui font le choix de prôner le serrage de ceintures plutôt que la réflexion sur le pacte de stabilité et les déséquilibres internationaux sont responsables de ce qui se passe, Bayrou au même rang que les autres.
(pour ce qui est de la surévaluation du yuan de 8%, j'ai indiqué dans unde mes derniers billets un lien vers Paul Krugman. C'est plutôt 35% en zone euro...)
on dévalue un peu et on taxe les produits chinois et ceux qui sont libellés en dollars, avec ça on fait un grand pas vers le rétablissement des équilibres... ça nécessite un peu de "thinking out of the box"
Bonsoir edgar :
Justement mon dernier billet répondait (anticipait ?) ton commentaire. Je ne crois absolument pas que le pacte de stabilité ait étranglé la croissance ; je crois au contraire que son non-respect, qui l'a transformé en "pacte d'instabilité" et d'irresponsabilité court-termiste, ait durablement endommagé nos capacités de croissance.
Concernant le renminbi (yuan), les estimations que j'avais entendues et, je crois, citées sur ton blog, étaient plutôt de l'ordre de 15-20% de sous-évaluation. Bien sûr, contre un euro actuellement surévalué lui-même de 10 ou 20%, on retombe sur un chiffre comme 35%.
Sur le dernier point, je ne prétendrai pas qu'il soit absurde de regarder de plus près les conditions de la concurrence internationale - et l'OMC fournit d'excellents outils juridiques pour cela, pour peu que les Etats (ou l'UE) les utilisent. Je pense seulement que la nature des déséquilibres est plus profonde que cela. La preuve (?) en est que la situation est essentiellement la même avec l'euro actuel à 1,20$, qu'elle était il y a quelques années avec un euro à 0,80$ (de mémoire).
Autre exemple, la situation macro-économique des Etats africains de la zone CFA n'a été que marginalement améliorée par la dévaluation de 50% de leur monnaie il y a 15 ans. En fait, les seuls bénéficiaires ont été les Etats, qui ont fait des économies sur les salaires des fonctionnaires (lesquels, en monnaie internationale, se sont appauvris).
Avec un euro à 0,80$ la balance commerciale française était excédentaire. A 1,30 elle est en déficit.
Pour ce qui est des règles de l'OMC elles valent pour la protection spécifique de secteurs particuliers, rien à voir avec les soldes permanentes valables sur tous les secteurs qu'organise la Chine.
Le bon père de famille qui est en toi accepte que les préfectures réglementent les jours de solde mais admet parfaitement qu'on ne fasse rien contre la double braderie permanente du dollar et du yuan.
Pour ce qui est de 5% de déficit public, sur une période de dix ans, ça ne me choque pas. ça peut correspondre à un besoin ponctuel d'investissement (réunification, mini baby-boom) et être rattrapé par la suite. sur trente années ça peut commencer à devenir gênant.
le problème est que nous avons besoin de la dette pour que la consommation ne s'effondre pas, parce que la production n'est plus chez nous. Nous sommes obligés de demander à l'asie de bien vouloir nous prêter pour que nous puissions continuer à lui acheter ses produits (de façon grossière).
Tu te focalises sur l'aspect endettement, la cause réelle est plutôt que nous ne produisons plus.
Chacun sait qu'en tant que noniste le virus de la rage m'a contaminé et que ma sagacité est en doute, mais Lionel Stoleru avait écrit la même chose en 2009 : http://www.lalettrevolee.net/articl...
Je ne peux m'empêcher, au risque d'ouvrir un deuxième débat, de penser que cette volonté de jouer les père-la-rigueur est pour partie électoraliste et pour partie liée à l'attrait qu'ont les catholiques pour l'acte de contrition.
Mais c'est un débat annexe. L'essentiel c'est de lire Lionel Stoleru (et Michel Volle) et de les comprendre.
Par ailleurs, ces 750 milliards personne ne les a mais personne ne les a déboursés non plus. C'est une ligne de crédit dont les états européens feront tout pour qu'elle ne soit utilisée qu'avec parcimonie.
@ edgar #6 : si j'ai bien compris (et apparemment ça reste un peu flou), il y a :
Du point de vue de la zone euro dans son ensemble, l'inflation et/ou la dévaluation sont générées non par les 440 mais par les 60+250+M.
L'image qui me semble la plus appropriée est celle des héros de "5 semaines en ballon" qui larguent tout ce qu'il y a dans leur nacelle, provisions comprises, pour reprendre quelques mètres de hauteur. S'ils étaient en train de toucher le lac aux crocos, ils ont bien fait, mais tant que le ballon continue à fuir, ils gardent le statut de nourriture à crocos.
La fuite, c'est la Chine et l'absence de gestion mondiale des déséquilibres commerciaux. Tant qu'on ne comprendra pas qu'un excédent commercial est aussi peu vertueux qu'un déficit, ce qui est à la limite la seule leçon à retenir du keynésianisme, on jettera des sacs de sable.
Stoleru a mille fois raison, je ne comprends pas qu'un centriste ne puisse voir cela !
La position de Bayrou c'est de dire "je refuse de toucher à un sac de sable". Mais pas plus que d'autres il ne rebouche le trou !
Pas encore répondu à ton comm#5, désolé (il est trop riche !)
Veux-tu dire qu'une entreprise bénéficiaire est aussi peu vertueuse qu'une entreprise en déficit ? ou qu'une association qui dégage un excédent sur ses comptes est aussi peu vertueuse qu'une association qui chaque année est en perte ?
Si non, pourquoi serait-ce différent pour un collectif humain et économique comme un pays ? Ne vaut-il pas mieux voir nos produits et services appréciés du monde entier, que rejetés ?
--Par ailleurs il y a la possibilité d'un dumping monétaire (tel que pratiqué actuellement par la Chine). Je crois que François Bayrou a été dans les premiers à mettre la question sur la table contrairement à ce que tu laisses entendre : http://www.bayrou.fr/propositions/c...
J'attire juste l'attention sur deux points :
Supposons que le yuan soit réévalué de 25%.
À très court terme, sur les contrats en cours aux prix en monnaie internationale, ça ne changera rien pour nous ; ça fera juste fondre les marges des entreprises chinoises qui payent leurs salariés en yuans.
À court terme, cela fera monter les prix des produits chinois et nous encouragera à nous fournir plutôt, pour les produits équivalents, au Vietnam, en Inde ou en Tunisie. OK.
À moyen terme, les industriels chinois pourront faire baisser leurs prix de 10 ou 15% car a) le prix de leurs intrants (énergie, importations, dépenses à l'étranger) aura baissé, puisque leur cours est en monnaie internationale ; b) une marge nette moindre en yuans leur laissera un pouvoir d'achat élevé en monnaie internationale (produits d'importations, voyages etc.).
Quel est le meilleur taux de change ? à mon humble avis, le plus stable et le plus sensé est le meilleur. Il y a deux critères non concordants : être assez proche des parités de pouvoir d'achat, et équilibrer les flux commerciaux en survalorisant la monnaie des pays dont les productions sont les plus demandées. C'est à peu près ce que fait un marché monétaire libre, avec deux limites :
1) la simple loi de l'offre et de la demande crée des bulles très éloignées des valeurs réelles,
2) en période d'inflation des actifs notamment immobiliers, comme au long des années 2000, les transactions sur les actifs ont sans doute pesé sur la valeur des monnaies (achats étrangers en France p.ex.) alors qu'elles sont quasi-déconnectées avec la socio-économie réelle au sens de la production, des emplois, etc.
Dans le billet où tu cites Lionel Stoléru, je suis d'accord avec tous les propos et idées que tu lui attribues, mais pas avec les conclusions que tu en tires !
Quelques notes un peu en vrac...
Qu'une entreprise fasse des bénéfices ou qu'un particulier s'enrichisse, fort bien.
Un état ne devrait pas pouvoir accumuler des richesses indéfiniment. Les ajustements de taux de change sont normalement là pour empêcher les déséquilibre pérennes. J'ai retrouvé récemment cet excellent passage du livre de Michel Herland, "Keynes" : "le plan Keynes contenait une disposition automatique à l'encontre des excédents excessifs ... Dans la Théorie générale, Keynes était parti d'une analyse des conséquences néfastes de la thésaurisation monétaire pour proposer ... d'instaurer une taxe sur la monnaie. Or, qu'est-ce qu'un excédent de la balance des paiements sinon une thésaurisation de monnaie internationale ? ... C'est pourquoi le plan Keynes proposait de faire payer un taux d'intérêt sur les excédents de devises des p...."
Donc, non, l'analogie entre un état et une famille ou une entreprise est fausse.
Sur le dumping chinois il est patent.
Une monnaie forte c'est les Ipod moins chers bien sûr, côté zone euro, côté chinois ce sont aussi les airbus plus chers. D'un point de vue universaliste, pas de raison de se réjouir plus de l'un que de l'autre.
Pour ce qui est de l'effet d'une sous-évaluation elle dépend aussi de la taille du pays qui sous-évalue. Si c'est le Luxembourg, ça n'a aucun impact. Si c'est un pays qui a 1 milliards d'habitants avec une formidable armée de réserve, capable d'éviter une hausse des salaires pendant que le pays conquiert des parts de marché, ça devient beaucoup plus ennuyeux.
Stoleru attire l'attention sur la nécessité de négocier des parités ajustables et raisonnables (plus proches de la parité de pouvoir d'achat). Là où tu rejoins Stoleru c'est qu'il conclut en disant il faut en parler. Pour parler, il y a toujours des volontaires. La question est : jusqu'à quand accepte-t-on que les causeries soient sans résultat ?
Pour ma part j'estime que ça suffit et je vais donc un poil plus loin, je dis que puisque la négociation n'a pas lieu (c'est un constat, pas un point de satisfaction), il faut appliquer une taxe rééquilibrante. Et l'avantage de cette taxe c'est qu'en effet elle peut se fonder sur des calculs de parité de pouvoir d'achat qui excluent les deux phénomènes que tu soulignes : les devises fluctuent sans rapport avec les échanges commerciaux du fait de la demande d'actifs financiers et spéculatifs, et fluctuent d'autant plus que les marchés sont dérégulés.
Attention : l'amour de la parité stable c'est ce qui a fait revenir les britanniques en 1925 à la parité-or d'avant guerre, et ça leur a couté fort cher. La stabilité doit passer après le rôle d'équilbrage des échanges.
Au passage enfin, une hausse du pétrole si on applique une taxe sur le dollar, également sous-évalué, ça s'appelle une taxe carbone. J'avais cru comprendre que c'était vachement bien...