Il est légitime que l'État s'interdise de communiquer, même à la Justice, des informations qui faciliteraient notre invasion par une puissance étrangère.

Mais notre sécurité nationale ne me semble pas sérieusement menacée par un éventuel coup de balai dans des réseaux de corruption - bien au contraire. Le "secret Défense" ne saurait être invoqué pour protéger des intérêts de ce type.

Je l'écrivais il y a quelques jours sur le blog d'Hervé Torchet à propos des frégates de Taïwan, en répondant à un autre commentateur, Jean Marie.

Que l'on fabrique des armes et les vende, c'est normal en démocratie.

Que les acheteurs et vendeurs d'armes s'en mettent plein les fouilles au passage, c'est inévitable : sur un marché aussi étroit, où le prix unitaire est aussi élevé, et où les preuves de performance arrivent si tard, les mécanismes du marché libre sont très facilement biaisés par la corruption.

Que la justice enquête sur les cas de corruption afin d'en condamner les auteurs, c'est normal aussi : s'en mettre plein les fouilles n'est pas ce pour quoi un régime démocratique les a mis aux fonctions où ils sont censés servir.

Ce qui est anormal, c'est que l'exécutif d'une démocratie oppose au judiciaire le "secret défense" alors qu'il ne s'agit que d'un secret commercial. Et que le judiciaire soit désarmé face à cette opposition.

Car de quelle démocratie parlons-nous, alors ? De quel équilibre des pouvoirs ? De quelle garantie pour le contribuable ? De quelle protection de l'intégrité de nos mécanismes politiques - campagnes, élections, respect des mandats ?

Dans un pays où la défense est un sujet hypersensible, l'armement crucial, et la morale politique réputée parfois floue - Taïwan justement - 28 personnes ont été incarcérées dans cette affaire (si wikipedia est à jour), et en France, à ma connaissance 0.

Sont-ils fous là bas, suicidaires, ou serait-ce notre État qui se comporte comme le supplétif de quelques intérêts privés ?

Ceci dit, les choses évoluent. C'était à Taïwan qu'on pouvait se moquer ou se scandaliser des moeurs politiques françaises ? Maintenant, c'est en Chine populaire. Gardons courage, peut-être la démocratie française a-t-elle encore quelque crédibilité en Corée du Nord.

Depuis cette discussion, je fomentais de la transformer en billet… La prise de position de François Bayrou a été plus rapide. J'espère que hypos l'aura appréciée !.