En réponse à la vague Marine Le Pen, Nicolas Sarkozy tente d'exhumer des "racines chrétiennes". Il nous refait le coup tous les deux ou trois ans. Totalement insensible à la contradiction fondamentale entre le yacht et le monastère, entre le "Premier Cercle" des très riches et la religion du charpentier Jésus.
La vague Le Pen, il me semble qu'elle existe, au-delà des baromètres plus ou moins bien réglés des sondeurs. Cette semaine en tractant, plusieurs personnes nous ont dit "je sais pour qui je vote" d'un ton qui semblait souvent signifier "FN".
Je mets de côté celui qui a crié "Vive Hitler !", car les Le Pen ne se reconnaîtraient certainement pas dans le nazisme ; mais pour lequel des 10 candidats du canton votera-t-il, à votre avis ?
Je mets aussi de côté le seul qui ait crié "Bande de racistes !" en nous renvoyant le tract roulé en boulette. Les Le Pen ne se reconnaîtraient certainement dans ce genre d'incivisme. Mais pour qui votera-t-il, s'il vote ?
Je pense aux autres qui ont dit "je sais pour qui je vote", ou carrément "nous on vote FN" : certes, je ne suis pas voyant-extralucide, mais enfin, aucun d'entre eux ne me semblait faire référence, le moins du monde, aux racines chrétiennes de la France… ou d'Argenteuil, à la Sainte Tunique, à Abélard l'inventeur de la "théologie", à Héloïse la première féministe, ni aux prêtres ouvriers de notre XXème siècle industriel.
On n'a, accessoirement, jamais entendu parler des Le Pen sous un angle chrétien. On n'a jamais entendu non plus les responsables catholiques faire preuve de quelque sympathie que ce soit envers le lepénisme.
Et pourtant, Dieu seul sait pourquoi, c'est chez lui que Nicolas Sarkozy va chercher une eau bénite anti-FN[1].
Cela pourrait rester une lubie élyséenne, un tic triennal de Président mal conseillé.
Mais il n'est pas seul. Ses partisans embrayent à fond. Dans notre Val d'Oise, le député Jérôme Chartier cultive à sa façon les sous-entendus tendancieux à la Jean-François Copé
« On doit parler aujourd'hui d'un statut pour le culte musulman. … Cet islam de France doit avoir sa place légitime comme n'importe quel culte, mais en même temps doit être organisé »
Qu'est-ce que veut dire ce gloubi-boulga ? Pourquoi un "statut" spécial alors que, selon la loi de 1905, la République ne reconnaît aucun culte ? Pourquoi ce "mais" entre "place légitime" et "être organisé" ?
Les musulmans doivent avoir en France la même place, les mêmes droits, les mêmes devoirs, que les chrétiens, les bouddhistes, les juifs, les sikhs ou les fidèles de toute autre religion. L'égalité. Ni plus, ni moins.
Ajouter des "mais" me semble tendancieux. Toute inégalité de droits entre religions serait contraire aux valeurs fondamentales, à l'identité même de la France républicaine.
Nous nous battrons pour l'égalité, contre les inconscients prêts à sacrifier, délayer ou "raisonner" la laïcité républicaine sur l'autel des petits bénéfices électoraux. Qu'ils soient à l'UMP, au FN, chez EE ou au NPA.
Un autre candidat me demandait comme je réagirais si le second tour opposait UMP et FN ; en d'autres termes, il regrettait que la diversité des opposants à ces deux partis (dont lui et moi faisons partie) augmente les risques que le FN accède au second tour, devançant les divers candidats démocrates ou de gauche.
Je crois exactement l'inverse.
Nous voulons changer la façon dont Argenteuil est gouvernée, la façon dont la France est gouvernée. Nous voulons changer le système en place. Parce que - comme la grande majorité des Français, et contrairement à l'UMP et au PS - nous voyons sa faillite.
Se rallier à l'un des responsables de ce système, renoncer à le changer, ce serait ouvrir un boulevard au FN.
Nous sommes là pour dire "non" à l'abstention comme à l'extrémisme ou au "tous pourris". Nous sommes là pour dire : oui, le vote peut encore servir à quelque chose. Oui, des élus dignes de confiance, c'est possible. Oui, il y a d'autres bulletins que ceux du système en place. Oui, il y a un espoir.
Entre la démocratie et le nationalisme, entre la coopération et l'alignement derrière le chef, les Tunisiens, les Egyptiens, les Libyens ont choisi au péril de leurs vies. Nous avons la chance de pouvoir faire le même choix pour le seul prix de quelques minutes au bureau de vote… Comment hésiter ?
Je m'étonne bien souvent de ce qu'il advient quand des hommes politiques s'emparent de débats qui, de mon point de vue, pourraient être fructueux et se terminent en polémiques stériles.
Nous avons eu le débat sur l'identité nationale; naïvement je m'étais dit, bien au delà des problèmes de migration ou de multiculturalisme, qu'il pouvait être intéressant de se demander: qui sommes-nous? Qui est la France aujourd'hui et qu'est-ce que cela signifie d'être français? En réalité, j'ai le sentiment que ce débat n'a même pas commencé.
Voici maintenant les racines chrétiennes de la France; pourquoi pas, après tout, mais pas s'il s'agit encore d'un faux débat ou d'un diable sorti de la boîte pour faire peur au FN - ce qui ne marchera pas, nous sommes bien d'accord.
Dans un autre ordre d'idée, le CJD avait avancé l'idée de TVA sociale voici quelques années; il a suffi que les politiques s'en emparent pour que la réflexion devienne polémique et que le débat soit enterré.
Aussi posé-je cette question, et j'espère Frédéric que tu me pardonneras d'utiliser ton blog pour ça: la machine politique est-elle encore capable de ne pas broyer les idées dont on l'alimente et de les fructifier plutôt que de les brûler dans le processus électoraliste?
Merci pour ce commentaire ! Ce sont à mon avis deux cas bien différents.
La société civile lance parfois des sujets (la TVA sociale, le droit au logement, l'éthique sur l'étiquette, la protection des élèves sans papiers, etc.) qui sont plus ou moins repris, déformés, bien ou mal traités, par la sphère politique. La résonance émotionnelle des sujets et des mots ("TVA", "sans-abri"...) compte parfois plus que les impacts réels ou les coûts réels de telle ou telle décision. C'est la nature de la communication humaine, de la démocratie…
Le mot "lancer un débat" est aussi utilisé par la société politique elle-même, comme bouclier derrière lequel avancer pour poser des mines dans le champ du voisin - ou dans le champ social tout court. Le prétendu débat sur l'islam ou sur la laïcité est dans ce registre.
Quant à l'identité nationale, c'est selon moi le chef d'oeuvre de la campagne Sarkozy. Il la balance par surprise, très tard dans la campagne, non comme débat mais comme décision prise : administrer l'identité nationale. Promesse absurde, coup parfait, auquel j'ai consacré quelques billets depuis… http://demsf.free.fr/index.php?post... remâchant ma fureur de n'avoir pas trouvé la riposte ! Une fois le candidat élu, le coup éventé et Ministère en perte de vitesse, le Ministre et quelques autres ont tenté de le relancer en ressortant le bouclier du "débat". Mais la partie était déjà finie.
L'identité nationale reste un excellent sujet et je ne peux que conseiller le génial "Regarder la France" de Jean-Marie Domenach : cf. http://demsf.free.fr/C2055006725/E2... (et liens dans le post-it jaune à gauche du billet).