J'ai réussi à m'intéresser un peu à l'élection interne du PS. Après tout, après la dégelée prise par le Mouvement Démocrate aux législatives et aux municipales, le PS a consolidé son statut de deuxième parti français, l'arithmétique déjà devrait m'obliger à regarder de plus près ce qui s'y passe. "L'implantation", les réseaux humains qui font de la politique, ça ne bouge qu'à l'échelle d'une génération. Avec beaucoup de talent, d'imagination, d'organisation et d'argent, Barack Obama n'a devancé que d'un cheveu Hillary Clinton.
Il y a plus que l'arithmétique : l'une de mes premières activités politiques - après les manifestations de 1982-84 pour l'école libre et la fondation en 1999-2001 d'une association pour la démocratie participative - a été de participer à la liste de discussion de temPS réels, et même à une réunion physique - qui m'a instruit sur le mode de raisonnement de cette famille politique, je résume : politics first, policies whenever possible.
Oui, et puis l'exemple vient d'outre-Atlantique : se rassembler entre partisans des valeurs démocratiques, c'est "l'alternative au cynisme qui, s'il ne nous gouverne, s'apprête à le faire, sous le masque éternel des intérêts supérieurs de l'État, de l'économie et tutti quanti." J'écrivais cela il y a six ans dans mon petit manifeste personnel "Pour un parti démocrate", en créant ce blog. J'y parlais de Verts, de PS, d'UDF (dont je n'étais pas encore adhérent) - et je signerais, de la même façon aujourd'hui, "pour un parti démocrate".
Un mot me gênait un peu dans mon propre texte, le mot de "cynisme" justement. Est-ce "de la politique" que de définir comme adversaire le "cynisme" ? Ce n'était pas dans le vocabulaire politique usuel - et pourtant c'était ce que je pensais.
Et puis, Barack Obama utilise ce terme à longueur de discours. Ainsi au lancement de sa campagne pour les primaires :
Our rivals won't be one another, and I would assert it won't even be the other party. It's going to be cynicism that we're fighting against.
It's the cynicism that's borne from decades of disappointment, amplified by talk radio and 24-hour news cycle, reinforced by the relentless pounding of negative ads that have become the staple of modern politics.
It's a cynicism that asks us to believe that our opponents are never just wrong, but they're bad; that our motives in politics can never be pure, that they're only driven by power and by greed; that the challenges that we face today aren't just daunting, but they're impossible.
... Too often, this cynicism makes us afraid to say what we believe. It makes us fearful. We don't trust the truth.
It's caused our politics to become small and timid, calculating and cautious. We spend all our time thinking about tactics and maneuvers, knowing that if we spoke the truth, we address the issues with boldness, that we might be labeled -- it might lead to our defeat.
... We internalize those fears. We edit ourselves. We censor our best instincts.
Avec les socialistes, les Verts, les altermondialistes, les libéraux, les gaullistes..., on n'a certes pas de programme commun (Cf le billet de l'hérétique et mes commentaires).
Mais si déjà on était d'accord pour dire que l'ennemi politique numéro 1 est le cynisme - et sa famille : la peur, l'autocensure, l'obsession de la tactique, le découragement... - je suis d'accord pour travailler ensemble à refonder la politique.
J'ai failli applaudir au billet .. et puis je me suis ravisée en relisant quelques définitions sur le cynisme... Définitions qui peuvent être diverses, et qui, en fonction de celle que l'on choisit, modifie la compréhension de ton billet ... Alors quelle est ta définition du cynisme ?
Bonjour marie laure ! Excellente question sans doute, mais inattendue - il me semblait que la citation de Barack Obama définissait le assez bien - c'est en tout cas au "sens commun" du terme : en gros, considérer que la fin justifie les moyens, ou que l'ambition autorise le mensonge, ou que la finalité de la politique est la détention du pouvoir ? En fait, ce n'est pas loin de la "mauvaise foi" au sens de Sartre, si mes vagues souvenirs sont bons ?
... ou, réflexion faite, considérer que le monde est comme il est, qu'on n'y peut rien, qu'on peut simplement chercher à s'y faire une niche ?
Bonjour Frédéric,
A mon avis le cynique n'est ni plus ni moins un égoïste dépourvu de la moindre moralité.
Pas même un Narcisse qui peut avoir lui de la compassion pour autrui malgré tout, ni même un égotiste ou un égocentrique.
Le cynique pour moi est celui qui revendique tous les droits (pour lui-même seulement) et n'a jamais eu de devoirs envers quiconque.
Résultat dramatique d'un manque d'éducation.
C'est un enfant gâté... pourri par un manque de frustration. C'est souvent un mal-aimé de parents en adoration constante devant lui et qui de ce fait ne lui ont en définitive apporté aucune réelle affection !
C'est l'enfant roi devenu l'adulte de mauvaise foi que tu décris. Tous les moyens sont bons en effet.
Amicalement. Françoise un petit coucou à Marie-Laure
@FredericLN
Donc, c'est bien ça : j'applaudis !
Un objectif commun, c'est déjà un bon début pour un programme...
Bonsoir à vous....
"Faire de la politique autrement" devrait effectivement exclure toutes formes de cynisme.
Le cynisme est peut etre juste la différence entre le militant convaincu et l'élu. Celle entre celui qui croit et celui qui le trompe et qui lui dit " je te l'avais bien dit.....
Tant que les pouvoirs seront synonymes de privilèges ,le cynique est celui qui ne dit pas ce qu'il va faire et qui fait ce qu'il n'a pas dit.
Le cynique méprise l'homme , on peut le contrarier en remettant la "personne " au centre du débat.
Paul
S'opposer au cynisme, c'est décider que la fin ne justifie pas toujours les moyens, je crois que c'est en effet la pierre angulaire de l'identité démocrate. Cela place la conscience au centre du débat politique et l'être humain comme horizon.
Je ferai bientôt une note sur l'articulation "démocrate, social, écolo", car elle a des racines là où tu ne les cherches pas. Mais je dois faire d'abord une note sur la fonction des partis politiques et c'est long d'y réfléchir.
@ tous merci (et Françoise Boulanger, joli portrait. En quoi peut-il se transposer à une société, pour mieux comprendre le cynisme collectif, partagé ?).
@ Hervé Torchet : avant d'approuver ton commentaire j'ai attendu avec impatience ce fameux billet ! Qui est peut-être paru entre temps mais m'a échappé. Je suis en tout cas bien d'accord pour trouver des racines communes à "démocrate, social, écolo", qui sont d'ailleurs dans un même parti aux Etats-Unis, et qui correspondent en France, pour ce que j'en vois, à une même famille de pensée - celle de la revue Esprit des années 60, grosso modo.