Let's go! (to Chicago)

J'ai décidé de profiter du voyage pour réviser mon shakespire. À la boutique de Roissy, il y avait peut-être Dora l'explorateuse, mais j'ai préféré le numéro spécial "The World in 2009" de The Economist.

En voici des petits morceaux brillants - pépites ou miroirs aux alouettes - tous ceux-ci vont dans un sens nouveau, et assez disneyien : la coopération.

Conformément à la coutume du blog, tout ici est de la traduction libre et douteuse qui n'engage à rien. It's not supposed to include any kind of true or valuable piece of information; by keeping this window open, you recognize you read it at own risks.

Deux argumentaires de pétroliers pour le développement durable. L'humain, la planète.

La pub Chevron.

"L'ère du pétrole facile est finie. (…) Nous en appelons aux scientifiques et aux enseignants, aux politiques, aux environnementalistes, aux industriels et à chacun de vous, pour prendre part à la conception de la prochaine ère de l'énergie."

Le slogan : "Chevron - Human Energy" (un peu de VO ne fait pas de mal).

La pub Shell : une photo de notre planète bleue, avec dessus, dessinés, des gens et des activités humaines. Par dessus la planète, en majuscules : "LE MOTEUR".

"… Faire marcher notre monde d'une façon qui préserve tout ce qui est merveilleux dans cette planète … Certains appellent ça de l'ingénierie, nous disons : résoudre les problèmes de façon créative."

Trois éditoriaux signés par des personnalités politiques

Le Premier Ministre ukrainien Yulia Tymoshenko (orthographe anglaise !) signe un éditorial sur la "question russe".

"La Russie n'est pas habituée à des processus internationaux étroitement coopératifs. … Son ambition d'être reconnue comme grande puissance rend difficile de l'intégrer dans les institutions, coopératives, de l'Europe. …

La Russie est, en 2009, face à un choix stratégique : peut-elle accepter un cadre, qui lui bénéficierait mais l'obligerait, dans lequel elle coopérerait avec l'Union européenne sur des sujets allant de la sécurité énergétique aux migrations et au réchauffement climatique ?

La présence ou l'absence d'un cadre de coopération, c'est souvent ce qui fait que les conflits diplomatiques dégénèrent en crise. Mais créer des cadres institutionnels qui fonctionnent, cela demande d'habitude des compromis exigeants. L'accord entre la France et l'Allemagne sur l'acier, en 1952, signifiait une perte de souveraineté sur une fonction vitale des États. …

Nous sommes peut-être à la veille d'un autre 1952. L'énergie, et en particulier le gaz naturel, donnent l'occasion de revenir aux intuitions des fondateurs de l'Union européenne. …"

Boris Johnson, maire de Londres, signe un éditorial en soutien à sa place financière. Angle de lecture possible : un rapport de forces profondément défavorable aux pouvoirs démocratiques locaux.

"Il ne faut pas que le gouvernement britannique réponde à la crise en imposant tant de règles supplémentaires aux banquiers, que cela ne les pousse à partir, comme le gouvernement américain l'avait fait avec la loi Sarbanes-Oaxley, après le scandale Enron. La régulation ne peut pas faire sortir de la récession, mais elle peut y conduire. Il est aujourd'hui essentiel de défendre les services financiers contre leurs nombreux détracteurs. Les maîtres du monde ne sont peut-être pas populaires chez nous, mais il y a bien d'autres endroits du monde qui les accueilleraient à bras ouverts. (…)

Le gouvernement britannique a brutalement augmenté la fiscalité sur les multinationales, rendant Londres peu attractive pour des sièges sociaux mondiaux. (…) La fiscalité sur les ménages sont eux aussi devenus moins favorables, avec l'introduction d'une taxe sur les revenus hors du territoire (?) et l'accroissement de l'impôt sur les plus-values. (…) Tant que le gouvernement n'adoptera pas une stratégie de compétitivité fiscale, la fuite des sièges sociaux va s'accélérer".

Au passage, M. Obama a le même problème, tous les pays européens aussi - il est tout de même piquant de voir Londres se plaindre d'une fuite accélérée des sièges sociaux, où sont-ils donc passés ?

Les pays démocratiques ne peuvent retrouver leur souveraineté économique - leur capacité à imposer aux grandes entreprises le versement d'un impôt - que s'ils le font ensemble. Sinon, et c'est déjà le cas aujourd'hui, les entreprises ont intérêt à fusionner à l'échelle multinationale - souvent aux dépens de la concurrence et du consommateur - non pour être plus efficaces, non pour être mieux organisées, non pour être plus responsables ou plus réactives, mais simplement pour ne plus payer d'impôts.

L'étape numéro 1 d'une politique économique de sortie de crise, c'est de délimiter le champ auquel elle pourra s'appliquer, en harmonisant la fiscalité des bénéfices et de la valeur ajoutée, et en fermant les mouvements de capitaux vers les pays qui font obstacle à cette harmonisation.

Le marché "unique" européen ne peut être fructueux pour l'économie réelle, s'il se transforme en "maquis" pour l'argent généré par cette économie.

Pour conclure ce billet déjà longuet, Henry Kissinger. Il signe un éditorial titré "Mettre fin à l'hybris" (la démesure tragique). Il établit un parallèle évident (mais auquel je n'avais pas pensé avant !) entre la croissance artificielle des Etats-Unis ces dernières années et celle tout aussi fragile qu'ont connu des pays pauvres dans les années 80 ou 90, dans les deux cas en se surendettant.

"L'événement le plus important de 2009 sera la transformation du 'consensus de Washington', selon lequel les principes du marché dépassent les frontières nationales. L'OMC, le FMI et la Banque Mondiale défendaient ce système en bloc. Les crises financières successives étaient interprétées, non comme des signaux précurseurs de ce qui pourrait arriver aux nations industrielles, mais comme des aberrations propres aux PVD, auxquelles il fallait remédier par des restrictions à l'intérieur de leur frontière (NB : l'ajustement structurel, le retour aux équilibres macro-économiques) ; un programme que les pays avancés n'auraient nullement eu l'intention de s'appliquer, le cas échéant, à eux-mêmes.

(…) L'économie doit être replacée sur des bases saines, …, et la dépendance américaine à la dette doit être surmontée.

(…) Cela demandera un dialogue nouveau entre l'Amérique et le reste du monde. Les autres pays, tout en assumant des rôles croissants, conclueront vraisembablement que l'Amérique, même moins puissante, reste indispensable. L'Amérique devra admettre que le soutien (des autres pays) à une structure contribuant à l'ordre mondial, dépend de leur participation pour établir cette structure. Si on avance dans ces deux directions, 2009 pourrait marquer le début d'un nouvel ordre mondial."

Vous avez remarqué ? Aucun des trois ne parle de "relancer" à coups de milliards que les États n'ont pas.

Tous parlent de coopération entre États - ou à l'inverse, d'instabilité générée par les dumpings successifs. Raisonnable ?