"La neutralité de l'Internet : un atout pour le développement de l'économie numérique", titre le rapport remis par le gouvernement au Parlement le 16 juillet. Grâce à google news et ecrans.fr, je viens de le lire et … je rejoins ce qu'en dit Benjamin Bayart à ecrans.fr.

Il y a certes des pages intéressantes : le point 3.4.1 sur le besoin de concurrence me semble important. Il y a aussi, en annexe, une synthèse de prises de position de 121 acteurs, des opérateurs mobiles au Parti pirate - synthèse improbable et pourtant réussie, bel exemple de la possibilité du débat démocratique (p. 57, pp. 59-60…).

Le rapport est moins bon que la consultation, amha.

Le rapport se présente certes comme partisan de la neutralité d'internet, mais sans en expliquer la valeur ; ou par des formules aussi floues que celle du titre, ou que "l'ouverture a constitué un fondement essentiel du succès de l'Internet jusqu'à aujourd'hui" (p. 29[1]). En revanche, le rapport présente de nombreuses valeurs comme s'opposant de façon évidente à la neutralité, ce qui imposera des compromis. Et il prétend que ces compromis seront conformes au "principe de neutralité" (p. 29), ce qui est quasi-orwellien.

Par exemple, le rapport écrit en gras, p. 30 que "l'objectif de préserver un internet ouvert doit être concilié avec le nécessaire respect de la liberté d'entreprendre et de la liberté commerciale."

Pourrait-on imaginer un instant que l'internet ouvert A ÉTÉ, et RESTE une immense porte ouverte à la liberté d'entreprendre et à la liberté commerciale ? Qu'un internet moins ouvert serait essentiellement DOMMAGEABLE à la liberté d'entreprendre et à la liberté commerciale ?

Certes, entreprendre sur internet impose le respect de règles, à commencer par le protocole IP… mais des entreprises qui ne voudraient pas de ces règles ont parfaitement le droit de communiquer par d'autres moyens !

Le plus drôle est le rapporteur a l'exemple sous les yeux, avec le cas des réseaux cellulaires (non neutres) : les opérateurs ont développé des systèmes fermés (vous savez, le wap…), si bien que depuis plus de 10 ans et malgré moult annonces et promesses, les applications sur mobiles ont balbutié faute de marché ouvert. Il a fallu "le despotisme éclairé" de Steve Jobs pour créer un marché, certes ni libre ni neutre, mais assez grand, assez ouvert tout de même, assez transparent pour attirer les développeurs et entrepreneurs : l'App Store.

Justement, Benjamin Bayart l'explique bien, c'est pour l'internet mobile qu'il y a un vrai problème, technique, de saturation annoncée. Cela vient essentiellement de la "télévision sur mobile". Et il y aurait une solution très simple : faire payer le débit. A l'opposé de ce que font les opérateurs mobiles quand ils proposent de la "TV illimitée".

Cette solution tarifaire peut se combiner avec des solutions techniques, comme de rendre transparent, pour les abonnés Free/Neuf/Fon, l'accès aux réseaux wifi d'autres abonnés - ce qui allègera énormément le recours au réseau 3G.

Bref, il n'y a là aucune raison de remettre en cause la neutralité d'internet, bien au contraire.


Sur ce blog : Objectifs Le Du (et point Lefebvre) (août 2010) ; ACTA, liberté de mouvement et droit d'accès à internet (jan. 2010) ; Encore et toujours apple fan, encore et toujours méfiant (oct. 2007), et mon intervention à EGENI 2007 "pour un internet démocratique".

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Notes

[1] Avec toujours cet article de cuistrerie, "l'Internet", comme si un nom propre avec majuscule et sans article, Internet, était malsonnant en français.