Hier en réunion de rentrée du MoDem Argenteuil, Michel a rappelé avoir "évoqué le 19 juin l'idée de créer un groupe de travail sur la laïcité", qui pourrait s'appeler "Laïcité républicaine et religions dans la ville". La moitié des participants ont manifesté leur intérêt pour participer au groupe, et moi avec.

J'ai voulu distinguer les deux sens donnés aux mêmes termes de "laïcité positive",

  • l'idée que les religions peuvent et doivent être présentes dans l'espace public, et non pas confinées à l'espace privé (le pape Benoît XVI insiste beaucoup en ce sens) ;
  • et l'idée que - comme dans la plupart des pays du monde - des représentants du pouvoir politique peuvent se référer à Dieu ou promouvoir les religions - comme le fait Nicolas Sarkozy.

J'aurais pu ajouter que j'étais plutôt pour la présence des religions dans l'espace public, et contre la référence à Dieu de la part de représentants de la République.

Mais ce même samedi, ma deuxième fille, qui est en quatrième, m'a posé des questions pas évidentes sur les nombres relatifs : c'est quoi, 7-(-6) ? Pas si intuitifs, les nombres relatifs ! Alors je ferais bien une échelle plus fine de laïcités relatives.

  • -4. Tout pouvoir est considéré comme émanant de Dieu. Toute activité collective dans la société dépend de la loi divine, et les autorités religieuses en sont juges. Je suppose que l'Arabie Saoudite ou le Vatican ressemblent à ça.
  • -3. Les activités collectives, sociales, partisanes, sont autonomes de la religion, mais le pouvoir politique émane de Dieu et est subordonné au pouvoir religieux.
  • -2. Le pouvoir politique émane d'une règle qui lui est propre (succession, vote), mais la politique religieuse fait partie de la politique tout court : il y a une religion d'État, le pouvoir politique intervient dans les affaires religieuses. Genre Louis XIV.
  • -1. Le pouvoir politique et les religions sont autonomes, mais le politique se place sous la bénédiction divine (sacre, serment sur la Bible), reconnaît la Nation comme "under God". Peut-être Charles X, ou les États-Unis.
  • 0. Le politique ne se reconnaît pas de lien avec Dieu, mais joue un rôle spécifique dans la vie des religions, différent de celui qu'il joue pour d'autres associations : régime concordataire comme sous la Troisième République avant 1905.
  • 1. Sans jouer de rôle direct dans la vie des religions, le pouvoir politique prend position dans le débat public au sujet des religions, pour les vanter ou les dénigrer. À la façon de M. Sarkozy.
  • 2. Le pouvoir politique et les religions sont séparés, le politique n'intervient pas dans la vie religieuse. Mais les religions jouent en tant que telles un rôle spécifique dans la vie sociale, il y a des aumôniers dans les collèges, les prisons ou les hôpitaux, les responsables religieux sont consultés par le politique ou les médias...
  • 3. Les religions ont le même statut politique et social que toute autre association de citoyens - y compris en termes juridiques, médiatique...
  • 4. La pratique religieuse, même collective, est restreinte de façon spécifique par rapport aux autres activités collectives ; par exemple, il est interdit, dans les espaces publics, d'essayer de convaincre autrui de rejoindre une religion.
  • 5. La pratique religieuse est autorisée dans des espaces privés, mais exclue de l'espace public.
  • 6. La pratique religieuse est tolérée comme survivance, mais critiquée par le pouvoir politique. Le politique reconnaît l'athéisme comme référence. Situation dans l'Europe de l'Est communiste.
  • 7. La pratique religieuse est interdite, mais la foi individuelle est tolérée.
  • 8. La foi religieuse est interdite.

À vrai dire, ce qui est le plus positif à mes yeux, c'est le milieu de l'échelle, quelque part entre les niveaux 2 et 3. Il me semble que la France d'aujourd'hui se situe, selon les situations et les domaines (école, finances publiques, etc.), sur les niveaux 1, 2, 3, et 4. Donc je ne me plains pas trop de la situation actuelle.

Ce qui m'inquiète le plus à vrai dire, c'est que le politique fasse un tri entre les religions. M. Sarkozy a affirmé au Latran que "la France a besoin de catholiques convaincus qui ne craignent pas d'affirmer ce qu'ils sont et ce en quoi ils croient.".

Pourquoi pas ? Besoin de footballeurs convaincus, de philatélistes convaincus, de bouddhistes convaincus, d'athées convaincus, de démocrates convaincus, de communistes convaincus, de musulmans convaincus…

…et pourtant, j'ai comme l'impression que dans la phrase prononcée par M. Sarkozy, les noms de religions ne sont pas librement interchangeables. Voilà pourquoi je préférerais qu'il s'abstienne de parler de Dieu. Il n'a pas compétence.

Lien court vers ce billet : http://doiop.com/demsf_laicite