... C'est un lapsus clavieri que je viens de faire chez Thierry Crouzet, en commentaire de son billet "Modem comique". Le commentaire s'éloignait assez vite du billet. Je le reprends ici réécrit.
La question - débattue récemment par nos camarades de Haute-Garonne - est très simple : les militants Démocrates doivent-ils se fixer pour objectif de gagner des élections ? Ou faut-il à l'inverse considérer les élections comme une activité accessoire, l'essentiel étant de faire passer dans l'opinion nos idées et notre espoir ?
Les deux sont effectivement de registres différents.
Gagner une élection est un résultat mesurable dans un temps bien précis, dans un jeu à somme nulle (non coopératif), avec un process administratif, budgétaire, très contrôlé et plein de pièges (non-paranoïaques s’abstenir).
Enflammer l'opinion, c'est un événement social pendant un temps très court – ensuite l’innovation devient banalité, la flamme devient braise ou cendre – un temps très court à une date imprévisible. Quand ça marche, ça change le monde, mais en attendant, ça ne nourrit pas son homme. Ça ne peut être le souci principal que d’inventeurs en apesanteur et autres philanthropes sans souci d’argent[1].
Bien sûr il y a des organisations – marchandes ou non – où les idées naissent, grandissent, enflamment. Mais elles se définissent d'abord par leur activité quotidienne – produire des ordinateurs pomme, protéger l’environnement, faire vendre les produits des autres…
Quelle est la production, l'activité quotidienne d’un mouvement politique ? Quelle est sa façon de contribuer “à l’expression du suffrage”, selon les termes de la Constitution ? Se situe-t-il d’abord dans le monde des idées, en apesanteur par rapport au pouvoir et aux intérêts[2] ? Ou d’abord dans le monde de la décision effective, de la gestion des services publics, à laquelle il accède par l’élection ?
Ces deux mondes sont très peu compatibles entre eux, relèvent de talents presque opposés – très rares dans l’Histoire ont été les rois philosophes, plus rares encore les chefs d’État élus philosophes. (François Bayrou est évidemment en France la personnalité politique la plus “philosophe”, et/mais n’est pas chef d’État ).
Barack Obama ? Il s’est toujours tenu à l’écart du fonctionnement de son propre parti, et a gagné les primaires puis l’élection en construisant son organisation de campagne en marge du parti démocrate.
“Influencer” sans être élu ? , d’accord ! On peut donc faire des livres (ce que fait F. Bayrou), un blog, on peut ainsi espérer donner de l’espoir, peut-être faire se précipiter des rêves.
On peut organiser un mouvement politique, citoyen, une “Bürgerinitiative” hors système électoral. Une ONG civique. Un centre de réflexion (le CREA de J.-F. Kahn ?). Un réseau d’experts et militants qui peut avoir des candidats aux élections histoire de les utiliser comme tribune (Cap21 de Corinne Lepage). Un journal (Marianne) ou un webzine (France démocrate). Ce serait peut-être mieux que de faire un parti. Pour beaucoup d’entre nous en tout cas. Et en France, le Centre démocrate a choisi, à plusieurs moments de son histoire, avant ou après les époques de déconvenues électorales, de se placer sur le terrain des idées en laissant aux autres le combat électoral.
Est-ce vraiment ce que François Bayrou peut faire de mieux, la meilleure façon pour lui de faire avancer les choses ?
Je fais partie de ceux qui espère encore qu’on peut changer la façon dont notre pays, dont notre ville, dont notre région, sont gérées, par la voix des élections. Par l’arrivée d’élus démocrates, porteurs de nos valeurs, de nos exigences, de nos projets.
Peut-être que je rêve.
Mais les Américains qui partageaient mon rêve ont gagné. Alors, pourquoi pas ?
Parfaitement d'accord. Il s'agit de gagner les élections (enfin, en réalité, d'abord une seule élection vraiment: la présidentielle) pour faire bouger les choses comme dans une vraie grande, mature, démocratie. Donc, à mon humble avis, François Bayrou, avec tout ses défauts, est le seul et le mieux équipé pour avancer. Tirons en les conclusions, chacun à la hauteur de nos engagements individuels.
Des militants de Haute-Garonne se sont emportés face aux propos d'un sénateur qui n'envisage pour le Modem aucun autre objectif que gagner des élections. Mais ces mêmes militants ne sont pas contre la possibilité d'avoir des élus. Nombre d'entre eux sont allés faire campagne pour les Européennes tout en émettant, en privé, des réserves sur le choix des candidats Modem.
"Par l’arrivée d’élus démocrates, porteurs de nos valeurs, de nos exigences, de nos projets."
En fait, il n'y a qu'un problème d'adjectif possessif. Il ne peut être résolu qu'en laissant le choix des candidats à ceux qui vont les soutenir, qu'ils soient militants ou simple sympathisants.
Frédéric, complètement en accord avec ce billet. Il me semble qu'il faut essayer de s'élever au-dessus de tous les aspects pour voir plus loin en arrière et en avant. Et comprendre peut-être que nous devons utiliser l'expérience de tous ceux qui ont opté pour une voie plutôt qu'une autre. Comprendre avec le contexte ce qui a marché et ce qui a échoué.
J'aime bien le comparatif fait avec Obama. Même si l'électorat français n'est pas le même, il existe un comportement de l'humain cependant universel que nous devons mieux apréhender. Il nous faut apprendre à faire rêver certes mais sans manipulation, sans mensonges.
Hier soir j'ai reçu -comme tout le monde je suppose- la lettre de François Bayrou. Elle m'a donné un immense soulagement sur notre potentiel de réussite !