Chez les Romains, Arx tarpeia Capitoli proxima ; aux États-Unis aussi, la roche Tarpéienne est proche du Capitole.

En en France ? L'ombre du Palais-Bourbon offrira-t-elle une irresponsabilité éternelle aux régnants, à leurs ducs et leurs barons ?

"Les Français essayent de faire croire qu'il n'y a rien de spécial" dans le comportement de Dominique Strauss-Kahn, "What the French are trying to do is make it sound like it's nothing special", selon "Kirk", commentateur sur le blog d'Art Goldhammer.

"Les Français", je trouve que c'est trop dire. Comme l'explique bien Adam Gopnik, également cité par Art, la ligne jaune est la même en France qu'aux États-Unis, c'est la violence envers autrui.

Mais "les Français" admettent, généralement, que l'on flirte avec la ligne jaune, que l'on fasse allusion au sexe d'une façon qui serait considérée aux États-Unis comme du harcèlement. Tout le monde sait, et c'était publié[1], que DSK se comportait ainsi. C'était considéré comme son principal défaut (j'en discutais, encore vendredi, avec une étrangère engagée en politique dans son pays).

Cela explique pourquoi certains Français ont soupçonné, ou espéré, que DSK aurait eu au Sofitel un comportement "inadéquat" peut-être, mais… pas celui décrit dans la plainte.

Cela explique aussi pourquoi certains Français soupçonnaient un DSK "trop faible" pour se contrôler, d'être tombé dans un piège, réagissant à quelque comportement d'un agent provocateur stipendié par des ennemis politiques… après tout, ce genre de choses existe.

Mais d'autres Français, dont des leaders politiques, se sont souciés dès le départ de "cette jeune femme et des femmes en général".

Et tous les Français reconnaissent qu'une tentative de viol n'a rien à voir avec la séduction ou le libertinage.


Alors maintenant, on va se demander : comment cela est-il possible ?

Comment le favori de la présidentielle aurait-il pu se comporter de cette façon criminelle (si c'est le cas) ?

Selon les psychiatres, de tels comportements ne surviennent guère de façon isolée, comme "coups de folie", ce sont plutôt des habitudes qui s'ancrent grâce à un sentiment d'impunité. Et ces comportements sont le fait de personnes du "haut" comme du "bas" de la pyramide sociale.

Que l'on arrête un client d'hôtel accusé de tentative de viol, n'est hélas pas exceptionnel. Ce qui est exceptionnel, c'est qu'une personne susceptible d'avoir ce comportement criminel soit le candidat préféré d'un grand parti de pouvoir, et le favori des sondages.

Alors la question qui émerge devient : qui crée cette bulle d'impunité autour de personnes de pouvoir ? Comment fonctionne ce système ?

On parlera du rôle des communicants, de celui des journalistes. Mais il faut sonder plus loin. Les communicants produisent ce que la société est prête à consommer.

Il s'agit du pouvoir en France ; il s'agit plus précisément, de la relation entre la société française et le pouvoir.

Mon boulot, c’est d’inspirer aux gens (le désir) de prendre possession de ce pays. La politique, ce n’est pas un business. C’est une mission. Barack Obama

Notes

[1] L'épisode raconté par Tristane Banon, qui n'a pas porté plainte mais n'a pas non plus été accusée de diffamation, va au-delà d'un comportement allusif ; il a donné l'occasion à diverses personnes de s'exprimer à ce sujet.