Ma conviction là-dessus s'est forgée avec le temps, de brèves rencontres PS ou Verts en militantisme UDF en pointillés, de travail pour le siège de campagne 2007 en campagnes argenteuillaises, d'écriture de blog en lecture des autres.

Il y a deux façons de marcher, pour une organisation, qui ne sont pas faciles à associer. En fait, tenter de les associer, c'est se prendre les pieds dans le tapis, ou se faire sanctionner par l'arbitre.

Une organisation peut être ouverte ou fermée.

En politique, c'est assez simple.

Si vous avez quelque chose à défendre, un pouvoir, un créneau marketing, une réputation indue, il faut fermer le jeu. Langue de bois et discours répétitifs, sourires à la caméra et clameurs de la foule, prise de décision en petits comités et verrouillage de l'appareil. Les critiques doivent ricocher.

Si vous avez tout à gagner, si vous n'avez rien à perdre, si vous pensez avoir la bonne proposition pour tout le monde mais que le monde l'ignore, il faut ouvrir. Ouvrir grand et se prendre tous les paquets de mer dans la tronche :

  • Les esprits partisans qui vont déformer votre message pour le disqualifier,
  • Les personnes en déséquilibre psychologique qui foncent dans cette porte politique ouverte comme un raccourci vers la grandeur,
  • Le soupçon des blasés et cyniques convaincus que vous cachez un complot diabolique,
  • La panique de vos propres partisans qui doutent de savoir affronter le vent du large,
  • La paranoïa des cadres d'appareil qui se voient déjà dépossédés du … peu de gloire qui paye leurs années d'efforts…

Il me semble que le MoDem a essayé de mixer les deux, et s'est planté pour cela (entre autres facteurs, notamment extérieurs).

Avoir un débat ouvert en interne, mais un discours commun vers "l'externe" (les médias, le public). Ou encore, débattre librement des idées, mais soutenir sans "primaires" ni contradiction les candidats désignés d'en haut. Peut-être même quelques nouveaux adhérents ont-ils espéré gagner sur un peu les deux tableaux - l'enthousiasme et le succès d'un discours ouvert, les strapontins et les honneurs des négociations fermées.

On voit bien que cela ne marche pas. On sent bien que cela ne pouvait pas marcher. Pas dans un monde de communication instantanée. Pas en recrutant sur un "projet d'espoir".

Le MoDem s'est vidé de ses élus, de ses adhérents et de ses électeurs.[1]

Il reste l'initiateur du Mouvement ; il reste un petit noyau de personnalités de grande valeur, de salariés fidèles ; il reste, c'est le plus important car le plus durable, la proposition politique démocrate. Là-dessus, le MoDem, quelles qu'aient été ses marches et contremarches, n'a absolument rien lâché. Cette proposition démocrate a des racines historiques et philosophiques profondes. Elle a montré depuis 2007 sa capacité à accueillir beaucoup de familles de pensée et de groupes sociaux. Et, hélas, les événements hurlent l'urgence de passer à ce nouveau modèle de développement.

Plus rigolo, les éditoriaux ou interviews allant dans notre sens se multiplient dans les médias. Où sont passés les chantres du big business, les gestionnaires confiants en l'autorégulation des marchés ? Où sont passés les décroissants et les khmers-antinucléaires ? Où sont passés les fans de la dépense publique, les prétendus keynésiens ? Allons donc, ce qui compte c'est "l'économie réelle", c'est l'éducation, c'est une "société solidaire", c'est l'initiative et l'innovation, c'est la responsabilité et la prévoyance, c'est la bonne gestion des affaires publiques pour nous tirer de la faillite … Tout le monde fait du Bayrou, mais selon les cas avec 10, 15, 20 ou 30 ans de retard ! Mais si on le leur dit, ils grimacent !

Bref :

  1. presque personne ne veut venir chez nous,
  2. sur le fond, presque tout le monde devrait être d'accord avec nous, ou le devenir rapidement,
  3. le jour où les gens chercheront une organisation politique, collective, pour que leur espoir se concrétise, pourvu qu'ils trouvent la porte grande ouverte.

Il y a de la place. Et (les campagnes Obama ou Clegg le prouvent) il faut être au moins des centaines de milliers à se bouger, si on veut changer les choses.

Avec ou sans bouquets de roses.

Notes

[1] Je me rappelle une discussion avec un journaliste du Monde, début 2008. Il venait de publier un article sur les personnes qui quittent le MoDem. Je lui disais : vous auriez dû mieux vérifier vos informations. En fait, aucune des personnes dont vous parlez n'a quitté le MoDem. Si les choses continuent comme elles vont, oui, ces personnes partiront, et d'autres aussi. Pour l'instant, tout le monde est toujours là…