C'est bon … on a passé toutes ces années à tirer le signal d'alarme et à être pris pour des fadas … maintenant, bien sûr on n'y croit pas encore complètement, à la faillite, c'est abstrait pour les gens, mais enfin les démocrates ne sont plus les seuls à ouvrir les yeux. Il y a du renfort.

Alors transmettons aux renforts le rôle, ingrat et usant, de Cassandre. Lisons et approuvons Frédéric Lordon ou Élie Cohen, et pourquoi pas Nicolas Dupont-Aignan ou les blogs libéraux (même si les solutions que les uns et les autres proposent me semblent hors sujet)[1].

Et, comme les leaders du MoDem se sont mis à le faire brillamment, préparons la France d'après.


Quand même, je tique en entendant Elie Cohen parler d'une France "bien gouvernée", et d'autres ressortir le vocable, noble et usé, d'une nécessaire "réforme de l'État"[2].

Bon, il y a sûrement des changements à faire, et ils concernent tous l'État.

Mais le problème essentiel n'est pas un dysfonctionnement de l’administration d’Etat, de la fonction publique d’Etat. Là-dessus, je donne raison à Élie Cohen : techniquement, l'administration fiscale fonctionne (si elle laisse les marges des multinationales s'envoler, c'est sur ordre).

D'ailleurs, là où l'administration d'État fonctionne mal, c’est surtout du fait de saignées successives, d'un gel quasi-permanent … associé à un meccano permanent de réorganisations sans rime ni raison. Sans surveillants dans les écoles, sans embauches de jeunes chercheurs, sans lieux de travail décemment entretenus, sans etc., que peut-on exiger des enseignants, des laboratoires, des fonctionnaires en général ?

Les abîmes financiers sont ailleurs (les lecteurs de ce blog les connaissent bien) :

  • dans la défiscalisation des multinationales, donc, soigneusement organisée et gérée par les Ministres des Finances successifs,
  • dans la privatisation à vil prix des actifs de l’Etat comme les autoroutes (et c’est trop tard, c’est signé),
  • dans les réductions d’impôt Chirac-Raffarin et le paquet fiscal Sarkozy-Fillon,
  • dans les transferts massifs aux dépens de l’Etat qui ont financé les 35 heures Jospin-Aubry,
  • dans l’incapacité européenne à juguler le coulage massif vers les paradis fiscaux,
  • dans l’explosion des dépenses et des embauches des collectivités locales à force de « décentralisations » sans transferts complets de personnels et de moyens,
  • dans l’inflation incompréhensible des dépenses de santé (alors que les maladies, elles, n’augmentent pas, et que les nouvelles technologies devraient permettre des économies),
  • dans le déséquilibre d’un système de retraites irresponsable par construction,
  • dans d’absurdes dépenses d’armement nucléaire ces dernières années là où il aurait fallu réduire le format de ces forces,
  • … et accessoirement, mais cela donne le ton à l’ensemble, dans l’explosion féérique des dépenses de Cour.

Bref, la réforme la plus urgente est celle de la prise de décision politique au sommet de l’Etat.

Préparons la France d'après.

Notes

[1] Il y a aussi des banquiers sérieux : Georges Ugeux, Jean Peyrelevade...

[2] Je n'arrive pas à m'en défaire : quand j'entends le mot réforme, je pense aux canassons…