Une grosse crise financière, ça donne quoi ?

Une remise à zéro des liquidités bancaires mondiales - puisque plus aucune banque n'a confiance dans l'argent créé par les autres banques.

Les États doivent donc recréer de l'argent, en grandes quantités, aggraver encore l'afflux de crédit facile qui a causé la crise.

Remise à zéro, ça veut dire zéro "en moyenne".

Des établissements sont ruinés, leurs actifs étaient bidon ? Leurs dirigeants, leurs traders, leurs actionnaires ont entre temps siphonné les caisses et pu transformer à leur profit cet argent hier crédible en actifs plus sûrs. Ils ont laissé dans les caisses les créances douteuses. Leurs actions ne valent certes plus grand chose (en fait, elles valent ce que vaut la garantie des États), mais ils n'ont payé qu'un petit morceau de la crise.

D'autres établissements ont profité de la crise pour rafler des parts de marché à vil prix, laissant une fois de plus aux États les actifs pourris des banques qu'ils rachetaient, si bien que l'opération est immédiatement rentable. Le tout en bénéficiant du financement des États, la France en l'occurrence - financement accordé en échange de 0 droit de vote. "Transaction attrayante", dans le langage d'analystes. Trop beau pour être vrai ? C'est une bonne occasion, pour eux, de se plaindre du manque de "compétitivité" de la "place de Paris" par rapport à Londres. On est libéral cohérent, ou pas. Mieux que cela : on est le bon élève, qui respecte "scrupuleusement dès 2008 les recommandations du G20", c'est dire la portée des décisions de cette instance.

Bref, les uns sont ruinés et ça ne coûte pas grand chose à ceux qui ont participé à la ruine ; les autres raflent les mises et ça leur rapporte gros.

Situation équilibrée ? Preuve de la justice immanente du marché ? Mais oui, c'est même rassurant, une "remise en ordre" selon le merveilleux M. de Kerdrel dans le Figaro.


Pourrait-il en être autrement dans un système capitaliste ?

Mais bien sûr ! Il suffirait d'être PLUS capitaliste, PLUS libéral.

Il suffirait de plafonner les rémunérations salariales, celles qui bénéficient du droit du travail (lequel interdit les baisses de salaires ou les reprises de primes, par exemple).

Il suffirait de dissuader, par l'impôt, le versement de revenus tellement élevés qu'ils sont nécessairement sans rapport avec le mérite, avec toute valeur objective du travail, de celui qui est rémunéré.

Il suffirait de restaurer la responsabilité. De dé-limiter la responsabilité civile, financière, des actionnaires des sociétés - qui actuellement, entre "effet de levier" des prêts, paradis fiscaux et sociétés-coquilles vides, ont une parfaite mécanique à privatiser les profits et socialiser les coûts.

Il suffirait d'imposer aux personnes bénéficiant de rémunérations variables, liées à leur activité personnelle, des traders aux footballeurs, d'être rémunérés sur un tel régime, entrepreneurial, partageant les responsabilités à la baisse comme à la hausse.

Il suffirait d'une petite convention internationale, du type de celle d'Unidroit sur la possession de bonne foi d'oeuvres d'art volées : le propriétaire de bonne foi doit restituer l'oeuvre moyennant une indemnité, qui est normalement à la charge du revendeur. De la même façon, les bénéficiaires de bonus ou dividendes qui étaient fondés sur des bilans financiers trompeurs devraient les rendre, moyennant indemnité à la charge des entreprises responsables de ces estimations trompeuses.

Ce serait si simple. Rien que de l'honnêteté capitaliste, de la bonne vieille éthique des affaires.