Il y a toute une affaire sur l'absence d'invitation de la gauche au Front National pour dimanche. Et quelques commentaires sur le refus d'Olivier Besancenot d'y participer.

Je partage, comme de coutume, les opinions exprimées par François Bayrou ou Arthur Goldhammer.

Mes quelques grains de sel :

1) La manifestation n'a été initiée par aucune "union nationale" mais par les partis de gauche. C'était leur façon d'exprimer leur propre réaction après à la tragédie. Mais le mouvement quasi-unanime de la société française a poussé nos dirigeants (que ce soit à Solférino ou à l'Élysée) à inviter le chef de l'opposition, l'ancien président Nicolas Sarkozy, président de l'UMP. Que je sache, ils n'ont invité ni l'UDI, ni le MoDem, ni Cap21, ni le Front démocrate, et je comprends très bien qu'à ce point, l'appartenance partisane ne soit plus le sujet.

2) J'entends autour de moi deux grandes inquiétudes pour notre société, exprimées en réaction à cette tragédie.

L'une, je l'entends plutôt de militants associatifs, de la gauche, et de musulmans. C'est la peur de fractures violentes et grandissantes au sein de notre société. De violence islamophobes et de discrimination croissante dans tous les domaines. De "pogroms" ou autres sortes d'émeutes, et bien sûr, d'une répression croissante, donc, de moins de liberté pour chacun de nous.

L'autre, je l'entends surtout de… gens qui n'entrent pas dans les cases précédentes, représentant peut-être une vaste majorité. C'est la peur que l'islamisme gagne : de plus en plus de voiles, de plus en plus de refus de serrer la main à l'enseignante, de plus en plus d'enfants avec une éducation doctrinaire et bornée, et, résultat attendu, de plus en plus de terroristes et de bombes.

Les premiers disent : nous devons rester une société unie, quoi que fassent les terroristes.

Les seconds disent : nous devons nous unir contre les terroristes (et les djihadistes, et les intégristes dans le même sac).

(Arrivé à cet endroit, je ne peux cacher pas mon sentiment personnel : le premier discours me fait pitié par son impuissance. Le second me fait flipper par sa mécanique infernale).

Inviter le FN, pour beaucoup de militants de gauche, cela serait ouvrir la voie au second discours, à la fracture islamophobe. Ce serait renoncer au rêve d'une société unie — au sens d'une société qui dépasse les divisions ethniques ou religieuses.

3) Mon opinion, et la nôtre (militants du centre), c'est que ces deux inquiétudes doivent être intégrées. Intégrées et dépassées dans une ambition plus grande, et plus en prise sur les réalités de la société française d'aujourd'hui, si nous voulons des résultats.

Ma crainte est celle du pipeau : une 15ème loi anti-terroriste, qui ferait passer "l'apologie du terrorisme" de 7 à 10 ans de prison, ou ferait entrer les lance-roquettes de l'armée dans les halls des gares en renfort des FAMAS.

Mon espoir est que les manifestations actuelles, spontanées ou organisées, en réunissant des gens de toutes sortes, soient le creuset de cette nouvelle ambition. D'une France à la fois unie sans exclusive, et forte contre tous les ennemis[1].

Et c'est pourquoi les nationalistes devraient en être, eux aussi. Et aussi les internationalistes. Et aussi les autres.

Something got to be done
No one is alone
(Alpha Blondy, Rock and Roll remedy)

Notes

[1] Parce que moi aussi, je trouvais ce slogan remarquable : un pays uni, rien ne lui résiste.