Je reçois un mail (de liste de discussion) où il est dit que pour appliquer une sorte de taxe carbone aux produits importés, un préalable serait de réformer l'OMC. Ça se discute. Et justement je retombe sur un vieux commentaire chez Publius, où je cherchais à expliquer ça.

Quand, pour parler "commerce et environnement", on parle de "dumping environnemental", c'est à la fois juste... et à préciser.

Plaçons-nous, si vous le voulez bien, d'un point de vue libéral[1] ou OMC, cherchant à préserver la possibilité d'un commerce à prix non faussés.

1- Dumping : le dumping consiste à minorer le prix d'un produit donné en masquant certains coûts de revient (qui seront financés ultérieurement, ou sur le prix d'autres produits). L'OMC autorise les Etats à lutter contre le dumping par des taxes antidumping - à condition de bien fonder le calcul de celles-ci.

Par cette logique, un Etat pourrait taxer des importations pour compenser le préjudice que l'exportateur fait subir à son propre capital environnemental, sans le comptabiliser dans ses prix.

2- Biens globaux : c'est aussi classé par l'OMC dans le chapitre dumping, mais c'est autre chose et c'est plus grave. Si un Etat produit en consommant des ressources globales (donc en dévaluant le patrimoine mondial, celui des autres Etats), les importateurs peuvent - et devraient - le taxer pour se rembourser du préjudice subi.

Ainsi, quand les pêcheurs de crevettes (shrimp) thaïlandais utilisent des filets qui mettent en danger une espèce protégée de tortues (turtle), ils dévaluent le capital mondial de biodiversité, et font donc une concurrence déloyale aux éleveurs américains de crevettes (décision OMC du 17 février 2004).

Joseph Stiglitz estime que cette jurisprudence Shrimp/Turtle autorise les Etats signataires de Kyoto à taxer leur importations de produits (venant de pays non-Kyoto), selon la contribution de ces produits à l'effet de serre.

Cette appréciation de Joseph Stiglitz a été très critiquée, mais aucune de ces critiques à ma connaissance ne remet en cause le principe !

Si j'ai bien compris les critiques disent essentiellement que pour appliquer une telle taxe antidumping, il faudrait d'abord prouver et chiffrer l'impact favorable du mécanisme de Kyoto sur l'effet de serre - prouver que les Etats non-Kyoto en question se sont effectivement accordés un avantage déloyal en créant un sur-effet de serre.

Ou dans le cadre d'une taxe carbone : prouver que les Etats hors périmètre de la taxe se sont effectivement accordés un avantage déloyal en ne créant pas un mécanisme similaire.

Effectivement, ça ne sera pas ... coton. Il y aurait un peu de travail à faire là-dessus à l'OMC. Mais rien de monstrueux. Ce type de dispositions essentiellement techniques - le mode de calcul de préjudices - se construit... selon la pression de litiges en cours.

Messieurs les Européens, tirons les premiers !

Vive le commerce libre et la juste comptabilisation du capital environnemental planétaire !

Notes

[1] Le titre du billet est un clin d'oeil à notre wikiostar.