Mes amis en témoigneront, je me suis trompé. Après le coup de bambou fiscal en 2012, j'attendais pour 2013 le coup de compresseur sur la gabegie "sociale" ; et pour 2014 l'uppercut au foie des collectivités locales dépensières, après leur passage à droite aux élections municipales.

Or, pour la gabegie "sociale", le Premier Ministre a devancé l'appel de trois semaines. Bravo !

L'évaluation de toutes les politiques publiques "sur l'ensemble du quinquennat" sera une "première" en France, a souligné le Premier ministre. Dès 2013, 40 d'entre elles seront passées au crible : les aides directes aux entreprises, la gestion des prestations d'assurance maladie, la territorialisation de la politique du logement, la politique de l'eau ou encore la formation professionnelle des demandeurs d'emploi. L'affectation et la mobilité des fonctionnaires sur les territoires seront aussi examinées.

Une première, c'est bien vrai.

Pourtant, l'évaluation des politiques publiques a été lancée et généralisée en France… un grand nombre de fois[1]. La plus marquante était l'oeuvre du gouvernement Rocard. Mais du côté de l'État, comme du côté des communes, presque rien. Pourtant, de multiples institutions sont chargées par la loi de mener des évaluations. Il y en a au sein du Parlement, il y a la Cour des Comptes, le Conseil Économique Social et Environnemental, le Centre d'Analyse Stratégique, etc. etc. ; pour payer ces hauts fonctionnaires, il y a du budget !

Et malgré tout cela, (presque) rien de sérieux ne sort. Il y a des gens qui sont censés évaluer. Mais ils ne peuvent pas le faire, faute de données, d'information sur les faits.

Car les informations qui permettraient d'évaluer, celles qui disent à qui et à quoi ont servi les décisions publiques, ne sont pas et ne peuvent guère être dans les fichiers de l'Administration. Il faut aller collecter des données nouvelles. Généralement, il faut interroger de larges échantillons de personnes physiques ou morales visées par la politique menée (ou qui la financent par des taxes). Ça a peut-être l'air tout bête, mais pour faire cela, Il n'y a (presque) jamais de budget[2]… Pourquoi ? Sans doute simplement parce que personne, dans le système politique français, n'y a intérêt.__ Prendre le point de vue des personnes concernées, c'est introduire un nouvel "acteur" et lui donner du pouvoir, c'est donc prendre un peu de leur pouvoir à tous les acteurs qui en avaient.

De cette évaluation généralisée, le Premier Ministre attend 50 milliards, dit le Nouvel Obs, soit en gros, 1% de gain d'efficacité de la dépense publique par an sur 5 ans : François Bayrou espérait 2%, mais 1% serait déjà bien — c'est en tout cas l'objectif que je pense atteignable.

Bon, M. le Premier Ministre, si vous avez besoin d'un pro de l'évaluation pour ce genre de mission kamikaze, vous savez où me trouver.


Sur l'évaluation, encore sur ce blog :

Aussi un début de blog sur l'évaluation (2006).


Alors, un peu d'espoir ? Je veux le croire. Si le gouvernement comprend qu'évaluer c'est mener l'enquête, trouver et croiser les indices et indicateurs multiples, les chiffres, les images, les faits, qui vont permettre de parler des gens et de la société. Qui vont révéler des potentiels, des points forts, des opportunités. C'est trouver dans les réalités d'aujourd'hui des promesses pour demain.


P.S. 27 déc. 12 : j'ai repris sur la forme ce billet initialement bâclé, mais dont le propos me tient à coeur ! Cette réécriture est postérieure aux commentaires 1, 2 et 3.

Notes

[1] Comme je l'écrivais ici

[2] Alors que pour des sondages d'opinion, ça ne manque pas.