Bravo au jury du Nobel !

Il a compris la guerre d'aujourd'hui, et vu la voie de la paix.

La guerre, froide ou génocidaire, se mène au sein de la population[1]. Les armes des conflits d'aujourd'hui sont à hauteur d'homme - le téléphone portable, le litre d'essence, la machette, la surveillance des mails, le grillage et l'échelle en bois.

Les démocraties ont perdu l'habitude de la peur de mourir, de la violence physique, elles compensent à grandes lampées de meurtres cinématographiques ou tsunamis télévisés. Cette semaine, j'ai appris à ma fille, 7 ans, que les gens dans les films ne mouraient pas vraiment. Mais le sang ? C'est du faux sang. Ah bon ?

Les démocraties ne vivent plus la mort, alors elles font utiliser sans souci, sur des cibles lointaines, les armes de destruction qu'ont stocké leurs budgets militaires.

Un pays représente à lui seul la moitié de ces budgets, en gros la moitié de la capacité mondiale de massacre industrialisé. Un pays que beaucoup de ses citoyens et de ses décideurs prennent pour le juge Dredd, ou pour le grand frère de la fratrie mondiale.

Ce pays a eu la surprise d'être violemment attaqué sur son propre territoire continental, pour la première fois de mémoire d'homme. Il a aussitôt identifié l'organisation qui l'attaquait - al Qaïda - et le territoire qui lui servait de base. Mobilisant sa puissance militaire, l'Amérique a fait tomber le gouvernement de facto de ce territoire, et rétabli son gouvernement légitime et internationalement reconnu. Mais les leaders d'al Qaïda ont pu s'échapper.

Alors le conflit a tourné à la démesure, à la démesure des budgets militaires et des stocks d'armes. Alors la riposte américaine a perdu toute signification, tout soutien public, toute valeur morale, toute chance de victoire.

La présidence américaine s'est imaginé pouvoir installer en Afghanistan une démocratie aux normes éthiques scandinaves, le développement durable et l'harmonie des genres, par le fer et par le feu. La présidence américaine a lancé son pays dans l'invasion, la destruction, l'occupation durable d'un de ses alliés objectifs dans la lutte contre al Qaïda. En se justifiant par le mensonge, l'auto-intoxication et la surdité. La présidence américaine a entassé ses prisonniers outremer, à Guantanamo, rejetant jusqu'au droit de la guerre.

Ne trouvant pas les clés de la victoire, tombées dans l'ombre du caniveau, l'Amérique s'est livrée, sous le réverbère, à un massacre à l'échelle de ses armements.

Un nouveau Président a hérité de cette tragédie. Un homme qui a été confronté à la violence du monde. Conscient de valeurs, de vies et de morts, derrière l'écran de télévision, hors des frontières, sur la planète.

Barack Obama a ordonné la fermeture de Guantanamo. Il a rappelé le sens de la guerre en Afghanistan - la lutte contre al Qaïda. Il a fait évacuer par l'armée US les villes d'Irak. Il a fait aux opinions arabes et musulmanes bafouées par ces années de guerre injuste, une offre publique de dialogue.

Face à la grande menace de demain, les armes nucléaires iranienne ou nord-coréenne, Barack Obama a lancé le seul processus qui puisse légitimer leur désarmement : la dénucléarisation mondiale.

Les ennemis les plus irréductibles de l'armée américaine - les talibans, Oussama Ben Laden - en sont à parler de paix possible.

Barack Obama a fait de la première puissance militaire mondiale ce qu'espérait le monde entier : un partenaire pour la paix.

Il a permis au monde entier l'audace d'espérer la paix, la coopération, la solidarité contre les dangers qui nous menacent tous.

Bravo pour sa clairvoyance au jury du Nobel[2].

Notes

[1] Comme le savent bien les habitués du blog de Ludovic Monnerat, malgré son billet d'hier.

[2] Et comment dire ? qu'un faux centriste ait imaginé, comme récipiendaire possible, le premier chef d'Etat à avoir légitimé l'invasion et le contrôle militaire russe sur une partie de la Géorgie, c'est affreusement pitoyable.