Politiques pour la France ou politique tout court, qu'est-ce qui compte le plus — c'est un peu la question de ZigHug suite au billet précédent.

Par exemple, la ségrégation urbaine menace la paix sociale en France. Mais politiques et médias sont centripètes : il faut que les banlieues flambent pour qu'ils leur jettent un regard… ennuyé, une moue méprisante.

Pourtant, fin octobre, Philippe Doucet, député PS d'Argenteuil-Bezons, lançait des propositions à la hauteur des menaces : réformer profondément l'Éducation Nationale, trouver des stages et alternances pour les jeunes sans réseau de relations, supprimer l'impôt foncier qui plombe les communes sans emplois (sans "taxe professionnelle"), supprimer la bureaucratie paralysante de la "politique de la Ville".

Zéro écho.

Ah si, le Lab d'Europe 1 le citait, le 31 octobre. Mais à un tout autre sujet :

Il faudra associer François Bayrou et faire l'ouverture jusqu'au juppéistes. Après tout, Edouard Philippe, l'un des bras droits de Juppé, était rocardien à Sciences Po.

Et là, je vois du buzz sur Facebook : des réactions, plus ou moins écoeurées, venant de militants de gauche.

Car les mots "alliance avec le centre" sont pour une partie des militants de gauche une sorte de virus, qui affaiblit durablement ceux qu'il touche (voyez Michel Rocard, Ségolène Royal, Vincent Peillon…).

Mais l'enjeu, ce n'est pas le peu de voix que le centre obtient aujourd'hui, à lui seul, dans l'électorat — des voix qui peuvent même coûter cher en divisions à gauche, comme à Sannois en 2008.

L'enjeu, c'est la capacité à proposer un avenir crédible au pays. Comment remettre l'Éducation Nationale au niveau mondial ? Comment payer les services sociaux ? Comment faire traverser aux entreprises françaises la "révolution numérique" ? Comment abolir la ségrégation — faire d'une ville comme Argenteuil une ville qui attire, et qu'on n'y entende plus "je pars dès que je peux" ?

La droite a bien peu d'idées pour ça, la gauche encore moins, à ma connaissance.

Alors peut-être quelques-uns se disent-ils qu'elle a besoin d'une hybridation avec une autre famille politique, pour retrouver une nouvelle jeunesse, une nouvelle énergie, une capacité à se projeter dans l'avenir.

Et Philippe Doucet — je l'écris d'autant plus volontiers que nous avons de nombreux désaccords par ailleurs :-) — a le courage de se lancer dans l'un comme dans l'autre combat. Changer les politiques qui paralysent le pays, et casser le "splendide isolement" qui paralyse la gauche.

Est-ce le chemin du renouveau pour la gauche, à elle de juger — et je ne suis pas gauchologue.

Ce qui est sûr, c'est que la paralysie molle actuelle de la gauche m'inquiète autant que l'impotence frénétique de la droite sarkozyste de 2007 à 2012.

Ces "majorités" inertes sont simplement incapables de conduire la France où que ce soit.

Tenez, juste un test — puisque toute la classe politique est d'accord sur la guerre en Syrie : quelqu'un sait-il quels sont nos buts de guerre ? Quels objectifs sont donnés à nos forces armées ? À quelles conditions nous pourrons cesser le feu ?

Désolé pour cet instant d'humour noir. Allons dormir, c'est mieux.