Mon précédent billet, "Argenteuil-Bezons : échec au coup de force contre le suffrage universel", a accueilli en cinq jours environ 700 lecteurs, ce qui démontre que les affaires de l'Agglomération ne sont pas si étrangères aux électeurs de nos communes.
La même affaire a suscité diverses analyses dans et hors de notre communauté.
Sur le nombre excessif ou non d'élus : Philippe Métézeau, adjoint au Maire d'Argenteuil et conseiller communautaire, défendait la réduction devant ses collègues argenteuillais dimanche matin 6 avril, en expliquant que les autres communautés valdoisiennes fonctionnent avec des assemblées plus restreintes qu'Argenteuil-Bezons, notamment au regard de leur population ou du nombre de communes. Or les trois exemples cités par Philippe Métézeau dimanche matin sont tous inexacts, selon la vérification que Pierre Belot vient d'effectuer : ainsi la CAVAM compte 120 000 habitants et non 300 000 ; Val de France compte 63 élus et non 49 ; le Parisis compte 70 élus et non 42.
Sur la question des économies à faire, raison invoquée par la municipalité d'Argenteuil pour réduire le nombre d'élus de 48 à 24. Je remarquais qu'il suffisait de diminuer le budget d'indemnités, décision facile à prendre (et non le nombre de conseillers, ce qui reporte au prochain mandat). La cause semble entendue : la nouvelle équipe municipale d'Argenteuil a créé 21 postes d'adjoints, c'est-à-dire le maximum légal, alors qu'elle annonçait une réduction des indemnités. C'est donc bien compatible !
La légitimité de la majorité obtenue par M. Doucet reste, étrangement, contestée, par ceux-là même qui tirent leurs sièges de la même élection du 30 mars, du même vote, des mêmes bulletins. Ainsi Philippe Métézeau qualifie-t-il la majorité de l'agglomération d' "astuce mathématique", en prétendant que M. Doucet a "accaparé les voix de Bezons". C'est donc la liberté de vote des élus, autre principe fondamental de la démocratie, que M. Métézeau met en cause : les Bezonnais, par on ne sait quelle contrainte, auraient vu leurs votes "accaparés" par un Argenteuillais ! M. Lesparre, maire de Bezons, a pourtant indiqué publiquement les raisons de son choix en faveur de M. Doucet (JT de mardi 8 avril sur voTV).
Il y a cependant bien, sur cette question de la légitimité, deux leçons à tirer de cette affaire. Une leçon sur le mode de scrutin, une leçon sur le fonctionnement de l'agglomération.
Le mode de scrutin : certes, les conseils d'agglomération sont élus au suffrage universel, mais sans listes communautaires, sans candidat à la présidence d'agglomération, sans campagne électorale et débat politique à l'échelle de l'agglomération ! C'est la même situation grotesque que ces élections européennes où nous sommes appelés à voter pour des partis… nationaux. Et encore, cette année, les partis nationaux présentent-ils, à travers leurs fédérations européennes, un candidat à la présidence de la Commission[1] ; rien de tel dans les agglomérations, on votait sans savoir pour qui.
Ce mode de scrutin est un des exemples typiques de la politique des quinze dernières années : un compromis bâtard qui, s'il ne fâche personne, ne produit rien de bon.
Comme nous l'avons toujours demandé chez les démocrates, le scrutin devrait se faire avec deux bulletins différents (et c'est vrai aussi pour les élections européennes), l'un pour la commune et l'autre pour l'agglomération, permettant de choisir une liste et une politique pour l'agglomération. Sur Alternatives économiques, Michel Abhervé tire la même conclusion de l'épisode argenteuillais et de quelques autres similaires.
Le Conseil communautaire pourrait comprendre une moitié de représentants des communes, et une moitié de représentants directement élus sur le 2ème bulletin.[2]
En effet, les communes doivent redevenir représentées en tant que telles dans les conseils communautaires, ce qui n'est plus le cas dans le mode de scrutin actuel.
Une agglomération marche à la coopération entre communes. Elle est faite pour "travailler ensemble", par le partage de recettes comme de dépenses. Les communes doivent y avoir voix au chapitre.
Évidemment, cela demande de ne pas boycotter les sessions, comme l'ont fait les 23 conseillers des listes de droite en quittant le Conseil d'Argenteuil-Bezons avant l'élection des vice-présidents.
J'ai un point d'accord avec le billet de Philippe Métézeau : la "situation" à laquelle nous en sommes arrivés "est perdante pour nos deux villes".
Je plaide donc pour une coopération constructive, respectueuse du suffrage universel et exempte d'attaques personnelles. C'est le seul chemin raisonnable pour sortir de cette crise.
Notes
[1] En course : Martin Schulz pour les socialistes, Jean-Claude Juncker pour la droite, Guy Verhofstadt pour les libéraux et démocrates, Alexis Tsipras pour la gauche-gauche, mais les Verts ont présenté… deux candidats : José Bové et Ska Keller.
[2] Même système pour le Parlement européen, avec des représentants nationaux et des représentants directement élus sur liste européenne.
Cette coopération est évidemment impossible avec le Président actuel de l'agglomération qui l'a démontré pendant le reste de sa carrière politique. Quant au mode de scrutin il est une aberration incroyable que je dénonçais pour ma part bien avant l'expérience argenteuillaise.
L'agglo doit rester ce qu'elle est : un Etablissement public ! Un conseil d'agglo n'est pas une collectivité, c'est un statut juridique bien différent et elle n'a pas besoin de le devenir à l'heure où chacun dénonce le "millefeuille" territorial.
Et en tant qu'outil technique (le principe de l'EPIC) elle n'a besoin que d'une représentation des communes (avec pourquoi pas quelques sièges pour les oppositions, ne serait ce que pour le controle bien légitime de l'action en cours de cet établissement).
Chaque commune possède au moins un siège au conseil communautaire (article L5211-6-1 du CGCT).
Par exemple, Bonneuil-en-France (712 habitants) n'avait pas de conseillers communautaires à élire sur les bulletins de vote et se retrouve avec 2 sièges dans l'agglo du Val de France.
@ Philippe : je vois que vous préférez l'attaque personnelle à la coopération constructive respectueuse du suffrage universel — sur ce sujet au moins. J'espère que le choix du Maire d'Argenteuil (même s'il s'est comporté de la sorte à la sortie du Conseil d'agglo) sera différent demain !
Sur le mode de scrutin, je comprends la logique de votre proposition, mais au MoDem nous étions (et je reste aujourd'hui) de l'avis inverse. Nous sommes favorables à la fusion des départements et des régions, qui doit conduire à redescendre un certain nombre de services, notamment d'action sociale et d'investissement d'intérêt local, à un niveau de décision plus proche des communes : communautés de communes ou d'agglomération — ou les communes elles-mêmes si elles sont assez grandes (ce qui est le cas d'Argenteuil, naturellement — pas de grande différence entre 133 000 habitants de l'agglomération et 106 000 de la commune). En tout cas, à un échelon élu et démocratique — par contraste avec le modèle de "l'établissement public" que vous vantez.
@ Pierre Belot : effectivement toutes les communes ont à l'Agglo des conseillers, de la même façon que tous les départements ont au Sénat des sénateurs. Mais je pense préférable qu'elles soient représentées *en tant que telles*, donc par leur Maire ou son délégué. Je pense la même chose du Sénat, qui serait plus utile, à mon sens, comme Assemblée *des* collectivités locales.
Complément avec la drôle de déclaration de François Bayrou élu président de l'agglomération paloise : "Nos décisions seront cruciales pour l'avenir de notre région (et pourtant) les enjeux n'ont pas été évoqués pendant la campagne dans nos communes. Je ne doute pas que les élus communautaires seront bientôt désignés par le suffrage universel direct." http://www.sudouest.fr/2014/04/14/p...
Comme Frédéric, j'ai milité pour une élection directe des conseillers communautaires et je continuerai à le faire. J'ai notamment défendu cette position face à la sénatrice Jacqueline Gourault, bien moins convaincue que moi, en 2008. Combien d'électeurs du scrutin communal savent quel proportion du budget de leur commune est transféré en bloc à la communauté d'agglomération, et pour quel périmètre de compétences. Savent-ils ce qui échappe à leur contrôle, voire à leur vote ?
La coopération entre élus de tendances différentes, voire même opposées, à ce niveau, n'est pas une option, mais un devoir ! Aux élus en poste de faire avec ! Je ne peux que m'opposer fermement à la vision bureaucratique exprimée par Philippe qui, curieusement, voudrait voir les conseils d'agglomérations sous la forme très "étatique" d'Etablissements Publics, alors qu'ils gèrent des budgets en principe établis par des élus au suffrage universel ...
Christophe Hénocq
Quand à la situation de la communauté d'agglomération d'Argenteuil -Bezons, elle est largement due à son périmètre, calqué sur celui de la circonscription du député, et qui n'a aucun intérêt économique (elle revient à l'ajout d'un sixième quartier d'Argenteuil aux 5 existants), et génère davantage de dépenses, moins contrôlées, sans aucune économie d'échelle en contrepartie. Force est de constater que Georges Mothron et Philippe Doucet s'en sont tous les deux parfaitement accommodés à tour de rôle.
Christophe Hénocq
@Fred,
D'après mes infos suite à certaines réunions "citoyennes" ;o) , la réforme parle de bassins de population de 300 000 habitants si mes souvenirs ne me trompent pas avec mise en place en 2016. Si récalcitrants il y a , l'état se réserve le droit d'imposer le découpage.
Bonne journée
@ Christophe Hénocq : bien d'accord, pour l'essentiel. Comme nous l'avait expliqué Jacqueline Gourault venue pour notre campagne de 2008 ( http://bayrouargenteuil.free.fr/C10... ), la seule utilité significative des communautés, était le partage des revenus entre communes riches (de taxe professionnelle) et pauvres (villes dortoirs) — parce que la loi ne l'a pas purement simplement imposé, hélas ( http://demsf.free.fr/index.php?post... ).
Le cas du Grand Paris est un peu différent ; qu'on apprécie ou non le montage juridique (moi, peu), les questions de transports et de logement sont à l'échelle de l'agglomération, ou de la région, et demandent à être traitées à cette échelle, pour l'être efficacement. La Région Ile-de-France, qui existait déjà, ça aurait été bien plus simple à mon avis que de monter un "Grand Paris". Mais enfin, s'il existe, autant qu'Argenteuil et Bezons s'y raccrochent.
@ Martine : Oui, 200000 plus précisément, pour les communes qui seront en agglomérations. Cf. mon billet suivant http://demsf.free.fr/index.php?post...