Le 6 juin dernier, une série de personnalités politiques dont Jacques Delors ont lancé un appel "Changeons l'Europe".

J'approuve pleinement le programme économique qui y est présenté :

…Tirons enfin les vraies leçons de la crise qui nous a frappés. Les spéculateurs de tous bords se sont nourris d'une absence de règles et de mécanismes de surveillance forts. Imposer aux gouvernements européens une cure d'austérité brutale et s'attaquer aux salaires ne ferait que renforcer cette fragilité, au lieu d'y remédier. De surcroit, renforcer un système de sanctions financières sur ces bases ne ferait qu'alimenter l'hostilité entre pays. La zone euro doit défendre sa monnaie commune et soutenir impérativement ses membres en difficulté (…)

Que les majorités conservatrices au Conseil des ministres et au Parlement européen qui veulent imposer une telle fausse solution prennent enfin conscience de leur erreur. Nous devons dans ces moments difficiles pour les Européens faire preuve d'audace et d'imagination, en formulant une réponse politique nouvelle et différente. Il est possible de retrouver la maitrise des finances publiques sans tuer notre développement économique et les investissements dans des domaines tels que l'éducation, la recherche ou les énergies renouvelables, et sans alimenter l'injustice sociale et l'exclusion. (…)

Pour cela, il faut tout d'abord que tous les Etats membres contribuent à cet effort en commun - tant les pays en surplus que ceux en déficit commercial. Dans tous les pays, il faut ensuite protéger les investissements publics productifs de l'austérité budgétaire, rassembler sous forme d'Euro-obligations une partie de la dette des Etats membres pour en réduire le coût global, et mettre en place les bases d'une politique fiscale européenne commune, garante de recettes justes, efficaces et durables. Il s'agit d'alléger la charge fiscale sur les revenus du travail et de renforcer celle sur les revenus du capital, de combattre efficacement la fraude fiscale, de créer une véritable fiscalité écologique, et d'instaurer enfin une taxe sur les transactions financières. Les gouvernements européens doivent veiller à ce que les salaires élevés et les revenus du capital contribuent justement à l'effort général de consolidation budgétaire, pour éviter que les salariés à revenu faible ou moyen ne subissent l'essentiel de cet effort.

Je ne peux pas dire que ce texte soit parfait. Il aurait fallu être plus explicite contre les paradis fiscaux et la corruption, tant l'intention politique se dissout vite dans ces domaines… Le terme de "véritable" fiscalité écologique est fort flou. Les bénéfices attribués aux euro-obligations (faire baisser les taux) sont crédibles, mais limités.

Il faudra bel et bien des mesures plus sérieuses pour "retrouver la maîtrise des finances publiques". Mais au moins, le texte reconnaît implicitement que cette maîtrise a été perdue, que les finances publiques foncent vers le fossé et qu'il faut éviter le crash — c'est déjà une bonne base de travail.

J'ai hésité à signer, à cause de la première partie du texte, une attaque en règle contre des "propositions"… qui ne sont pas précisées dans le texte !

Les propositions actuellement sur la table pour le "paquet gouvernance économique" représentent, selon nous, une remise en cause sans précédent des valeurs et des principes fondamentaux de notre destin commun: la solidarité, la justice sociale, l'égalité des chances et le développement durable.

J'ai cherché des infos sur internet et suis tombé sur cette interview de notre eurodéputée Sylvie Goulard, rapporteuse sur le sujet. Une interview parfaitement simple, claire, pédagogique et sans langue de bois :

Les faits parlent d'eux-mêmes : les critères que les Etats membres de la zone euro devaient respecter étaient au nombre de deux : pas plus de 3% du PIB de déficit, pas plus de 60 % du PIB de dette. En dépit du nombre réduit de critères et de leur caractère quantitatif, rudimentaire, ils ont été violés.

Dans une communauté de droit, fondée sur des engagements mutuels, la rupture de confiance est grave.

Les conséquences sont donc à la fois économiques, sociales et politiques voire psychologiques.

Je trouve ses propositions tout à fait constructives, solides, démocratiques… et complémentaires de celles de "Changeons l'Europe", elles se recoupent d'ailleurs souvent (les euro-obligations par exemple).

Je la signe donc aussi ! (Mme Goulard, si vous m'entendez…).

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Ça me fait plaisir, ça me donne de l'espoir que des Européens engagés de si longue date, de Jacques Delors à Sylvie Goulard, se montrent aujourd'hui (enfin ?) plus exigeants face à la Commission, aux États, à la (non-)pensée unique européenne. Comme qui disait, lors de la campagne des Européennes 2009,

Le thème de la campagne, c’est imposer les changements nécessaires pour que de nouveau, les Français, les autres Européens croient, aiment, soutiennent, adhérent à l’idéal européen.

L’Europe que font les puissants mérite d’être réinventée par ceux qui y croient le plus.