Après la chronologie sommaire de l'an dernier, quelques réflexions que j'ai postées en commentaires chez un Hérétique "étonné de voir la complaisance avec laquelle la presse et une bonne partie de la blogosphère, y compris au sein du MoDem, traitent le Hamas", et en grand débat avec notre Pic de la Mirandole orange, j'ai nommé ArnaudH.

(le 4 janvier)

Sans doute pour la première fois depuis le début des guerres israëlo-arabes, aucune des deux parties ne prétend que cette guerre ait la moindre utilité, aucune des deux parties ne prétend pouvoir atteindre un but de guerre. Chacune des deux se présente comme contrainte et forcée à faire ce qu'elle fait (l'horreur) parce qu'elle ne voit pas quoi faire d'autre.

Aussi on voit à la fois une priorité urgente et un potentiel énorme de succès : trouver quelque chose d'autre que puissent faire les dirigeants des deux peuples israélien et palestinien.

(le 5 janvier)

Les Palestiniens voudraient bien avoir un État, mais (à ce que je comprends) refusent de proclamer la création de celui-ci tant qu'ils n'ont pas les moyens effectifs de le constituer : genre (là, c'est moi qui suppose)

  • des frontières sûres et reconnues,
  • une force armée,
  • un minimum de consensus national (contrat social) sur l'existence de cet État - ce qui est impossible dans les frontières confetti actuellement administrées par l'Autorité palestinienne,
  • et sans doute quelques autres menues conditions.

Aucune de celles-ci n'est réunie, toutes dépendent essentiellement d'Israël.

Tant qu'elles ne seront pas réunies, Israël ne peut espérer avoir en face de lui ce qu'il appelle un "partenaire pour la paix", entendre, une autorité capable de contrôler son territoire et d'empêcher les agressions armées, y compris suicidaires et/ou criminelles, visant le territoire et la population israëliennes.

Le grand problème pour Israël est qu'il faudrait donner le premier, abandonner de nombreuses colonies, et très certainement, céder le contrôle sur la mosquée d'Omar ; quelle configuration politique le rendrait possible, quelle opinion l'accepterait ? Quand Israël peut se permettre - moyennant un coût financier et humain très limités en termes chiffrés - accroître sans cesse son territoire aux dépens du voisin instable et incohérent ?

Alexandre de Marenches écrivait qu'Israël est un État en "danger de paix". Sa cohésion nationale repose sur la constance - faible mais très visible et audible - de la menace sur ses propres frontières, sur chacun de ses citoyens.

Imaginer un autre pacte social en Israël, fondé sur la paix et la bonne entente avec les lanceurs de roquettes d'hier, fondé sur le renoncement à une grande partie du territoire qui était juif à l'époque biblique, et imaginer Israël l'accepter spontanément, et même le proposer le premier, sans que rien ne l'y contraigne, c'est beaucoup imaginer.

(ce 6 janvier)

Sans revenir en détail sur les revendications du Hamas (auxquelles j'ai consacré plusieurs billets de mon blog par le passé), je n'écrirais certainement pas comme Farid L qu'il "reconnaît de fait" Israël, ni que sa revendication soit limitée aux frontières de 1967. Au contraire, l'idéologie antisioniste qu'il professe encourage les attentats criminels de Palestiniens contre les civils israéliens.

J'écrirais volontiers que le Hamas est demandeur de négociations et bien conscient que, dans le résultat des négociations, il y aura entre autres

  1. la reconnaissance d'Israël, conformément à la résolution 181 de l'ONU, donc comme État juif ;
  2. la paix avec cet Israël État juif ;
  3. un territoire israélien augmenté par rapport aux frontières de 1967 (éventuellement par le biais d'échanges de terres, fruit des négociations) ;
  4. le maintien d'une partie des colons israéliens sur le territoire de l'État ou des États arabes de Palestine, avec des droits civiques particuliers faisant référence à l'État d'Israël ;
  5. des limitations dans l'exercice du droit au retour des réfugiés palestiniens.

Tout cela me paraît, en tout cas, parfaitement acceptable par le Hamas. Mais… dans le cadre d'une paix juste, accordant aux Palestiniens et à leur(s) État(s) des droits équivalents à ceux des Israéliens.

Et tant que ce ne sera pas possible ou vraisemblable, le terrorisme continuera, je le crains. Le Hamas continuera à préférer une stratégie "apocalyptique" espérant un renversement du rapport de forces (bombe iranienne, pénurie mondiale de pétrole ou autres) qui conduise le monde démocratique à forcer Israël à reculer, comme l'Afrique du Sud a été forcée à renoncer à l'apartheid au début des années 1990 (déclameur : toute comparaison a ses limites, le rôle personnel de Nelson Mandela a été déterminant aussi, etc.)

(ce 6 janvier également)

Pour L'Hérétique, "Ce que vise Israël, c'est à écraser le Hamas".

Je n'en crois rien, et les porte-parole israéliens ne le prétendent pas. Je vois d'ailleurs mal comment ils pourraient "écraser" le parti pour lequel ont voté aux législatives la majorité des Palestiniens, Cisjordanie et Gaza confondus (par ailleurs M. Abbas a été élu président, mais sans candidat concurrent significatif).

Ils prétendent détruire les "infrastructures" du Hamas, mais cela n'a pas plus de sens que pour le Hezbollah : le terrorisme a besoin de très peu d'infrastructures et les reconstitue facilement.

Peut-être espèrent-ils forcer le Hamas à accepter un cessez-le-feu dans des conditions plus défavorables que jamais aux Palestiniens de Gaza ? Peut-être, mais ce serait un très mauvais calcul, car les candidats terroristes s'organiseraient aussitôt hors du Hamas (Djihad islamique, etc.), qui perdrait rapidement le contrôle de son territoire, comme l'Autorité palestinienne l'avait perdu avant lui.

Il me semble que tout ce que peuvent espérer les gouvernants israéliens dans cette offensive - et c'est d'ailleurs ce qu'ils annoncent - c'est montrer à leurs concitoyens, et au monde, qu'ils ne restent pas sans réagir quand ils sont agressés et bombardés. Qu'ils ont les moyens et la volonté de faire beaucoup plus mal au camp qui les bombarde. Peut-être les concitoyens doutaient-ils de cette volonté de leurs dirigeants.

Démonstration tristement coûteuse.