Encore le débat sur le risque dans le monde nouveau : les interventions de François Heisbourg, mes notes au vol. Par ailleurs François Heisbourg recommande vivement son nouveau livre garanti rapide à lire !

Quand la France a élaboré sa doctrine 2007-2008 de sécurité nationale, j’en étais, cette question du risque était centrale au départ. Préalable et centrale. Et c’est une grande nouveauté, ça ne se passait jamais ainsi avant.

Quoi de nouveau sous le soleil ?

Banalités vraies : la quasi-instantanéité des phénomènes … les ricochets médiatiques quasi-instantanés. La diffusion de la puissance vers des acteurs non étatiques et même des individus (empowerment). Cela a déjà été le cas dans l’histoire. Mais c’est la première fois que cela se combine avec l’instantanéité et la globalité (que l’action d’une personne physique a un impact immédiat dans le monde entier).

La puissance se diffuse vers des pays anciennement soumis, et c’est une litote, les Chinois se souviennent que les troupes françaises et britanniques ont brûlé le Palais d’Eté en 1860. C’est un vrai défi de sécurité.

La mondialisation se caractérise par la connectivité. Lorsque l’épaisseur du monde ne neutralise pas un risque (? pas clair pour moi), il peut se diffuser et muter très rapidement. Par exemple la crise du SRAS en 2003 a eu rapidement un aspect sécuritaire sur les flux de personnes dans les aéroports. Cela influe la façon dont on pense l’organisation de la sécurité nationale.

Donald Rumsfeld disait : il y a 3 sortes d’informations : les known knowns, les known unknowns (je sais que je l’ignore), les unknown unknowns (les choses dont j’ignore jusqu’à l’existence). Il oubliait, c’est l’une des clés qui permet de s’en sortir, les unknown knowns. Les choses connues dont on ne se rend pas compte qu’on les connaît. Elles sont décisives pour organiser la sécurité nationale.

Il y a une masse d’information en croissance exponentielle, et il y a des moyens de leur donner du sens. Il faut absolument partir du principe que vous allez devoir faire face à des phénomènes dont vous ignorez la nature, l’ampleur et la date d’occurrence ; mais vous savez que cela arrivera.

Donc bâtissez les institutions qui permettent de détecter de tels événements (en France, la centralisation du renseignement, et l’établissement d’une fonction stratégique autonome), et les institutions qui permettent de décider commodément en situation de grande incertitude initiale, des institutions à spectre large ; p.ex. le Conseil de Défense ET de Sécurité Nationale.

Face à des acteurs non étatiques extraordinairement puissants, comme dans le domaine financiers, vous devez avoir recours à de plus en plus de normes et de régulation, et la façon de les produire devient centrale. Le FED avait massivement dérégulé dans les années 90, supprimé les régulations existantes.

De plus en plus de régulation... mais ce n’est pas ce qui se passe. Dans le domaine financier, on continue de jouer à pile je gagne, face tu perds. Dans les banques nationalisées, les actionnaires sortants n’ont eu à subir aucune sanction du fait de la déconfiture : au contraire, le patron de la RBS, après que le contribuable ait mis au pot 58 (?) milliards de livres, a demandé quand même sa retraite chapeau. On est dans un monde comme ça.

Comprendre qu’on ne comprend pas un produit financier hyper-complexe, chacun le peut. Mais si votre récompense pour continuer à utiliser ce produit est très élevée, vous laissez de côté le sens commun et vous laissez guider par la gourmandise !

Et c’est exactement pareil dans le domaine sécuritaire, par exemple sur les exportations de missiles … les codes de déontologie valent ce qu’ils valent.

L’assureur AIG, qui a représenté le plus gros morceau du plan de sauvetage, faisait de la banque sans respecter la réglementation bancaire (américaine). Tout le monde pouvait l’observer, les journalistes l’avaient écrit, des économistes comme Krugman… Mais qui avait intérêt à assumer la responsabilité d’arrêter le casino ?

Pas le Trésor britannique qui y gagnait beaucoup d’impôts. Pas les cadres d’AIG qui se faisaient des … en or. Le contribuable, certes, mais il était à une telle distance ! Il n’avait aucune influence sur les joueurs du casino.

S’il n’y a pas des éléments de coercition, vous ne pouvez rien contre les risques systémiques.

Dans le public, un "dirigeant de multinationale qui a investi 15 Mds en Europe" témoigne : les acteurs, les banquiers, se comportent de nouveau exactement comme avant la crise. Réponse de François Heisbourg :

Les anciens comportements ont repris, mais la sanction sera plus rapide que dans les années Greenspan. Avec les niveaux d’endettement actuels, la prochaine crise systémique viendra dans les deux années. La bulle financière revient du fait même de la reprise économique. La Grèce ne peut plus se refinancer maintenant parce qu’il y a 1 an, c’était plus intéressant d’aller sur les obligations grecques que sur le marché boursier. Les tendances sont réunies pour une explosion du financement public japonais dans les 6 à 18 mois.