Saut périlleux : je me lance dans l'illégalité (potentielle) en faisant part d'un souvenir de campagne présidentielle - j'ai participé à celle-ci en tant que consultant pour l'UDF puis pour la campagne, avec un contrat commercial. La confidentialité est la ligne. Je suppose que, sur cet épisode, la ligne est pointillée.

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Je n'ai sur mon Mac, dans mon dossier "sujets", aucun sous-répertoire "BASM". Les choses ont dû se passer très vite.

Le 7 septembre 2006, j'ai appris que François Bayrou allait recevoir les représentants de la coalition constituée par Handicap International : "les bombes à sous-munitions doivent être « hors-la-loi » !"

Je savais à peine ce qu'étaient les BASM - un souvenir de lectures des années 80-90 sur la façon dont l'armée américaine concevait le combat contre les masses de chars soviétiques, sur le théâtre d'opérations européen. Et bien sûr, la toute récente guerre du Liban.

J'ai commencé à chercher de la documentation - dans les campagnes des ONG, il y a un sacré tri à faire. Certaines sont faites pour obtenir… ce qu'elles annoncent vouloir obtenir. D'autres, dans la tradition agit-prop, demandent quelque chose que le politique ne devrait pas leur accorder (parce que les raisons en sens inverse sont tout aussi valables), demandent pour faire mieux valoir leur point de vue, pour médiatiser un conflit.

Mon étude a été très brève, une heure selon ma feuille de temps, car finalement un autre conseiller a été chargé de préparer cet entretien. J'ai appris qu'il y a deux sortes de BASM : les "munitions intelligentes" censées paralyser des colonnes de chars, et les BASM anti-personnel, des sortes de grappes de grenades, dont une bonne part - un quart, un tiers - n'explosent pas en touchant le sol - et deviennent, de fait, des mines. Comme les BASM tirées, à trois millions d'exemplaires dit-on, par Israël sur le sol du Liban.

À cette date de septembre 2006, selon Handicap International, "la France, qui estime que le droit international humanitaire est suffisant, ne souhaite pas ouvrir la voie d’une interdiction et prône l’amélioration technique de ces armes".

Qu'en pensait François Bayrou ? C'était un sujet nouveau, ses écrits et discours ne m'aidaient guère. J'ai prévu d'être à l'heure le jour du rendez-vous, pour avoir toute l'information moi aussi ! Las, je ne sais plus pourquoi, je suis arrivé avec deux heures de retard, les représentants de la coalition étaient déjà repartis.

Un collègue m'a raconté l'entretien - les visiteurs avaient été surpris, presque gênés : à peine s'étaient-ils présentés que François Bayrou leur a dit quelque chose comme : "Je suis pour l'interdiction des BASM". Point trait.

Ils ont dû meubler pour que l'entretien ait une durée décente - vraiment, vous vous engagez, si vous êtes élu... ?

Ils ont filmé, pour leur site, la déclaration, qui devait durer une minute à peine. Nous l'avons ensuite retranscrite sur bayrou.fr/propositions - l'intégrale, et pour cause.

À la même coalition, le candidat Nicolas Sarkozy a fait une réponse pleine de circonlocutions. Ça a fait mauvais effet quand les réponses de tous les candidats ont été connues. Nicolas Sarkozy a alors signé une lettre censée rattraper la première en expliquant que, tout bien considéré, il était pour aussi.

Et aujourd'hui, la France, avec une centaine d'autres pays, signe le traité qui interdit ces armes. Bravo la France !