Francis Kramarz et Marc Ferracci ont cosigné sur blogs.lesechos.fr, en juillet dernier, une tribune au titre clair : "Réforme de la formation professionnelle : un coup pour rien".

Le projet de loi relatif à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie ... ne répondra malheureusement pas aux dysfonctionnements ... bien connus ... du système de formation professionnelle ...

Les professionnels de qualité côtoient des prestataires dont l’efficacité, voire l’honnêteté, restent à démontrer ...

L’argent de la formation sert en outre à ... (rémunérer) en grand nombre des permanents ... des syndicats de salariés et d’employeurs. Dans un récent ouvrage, François Chérèque confiait ainsi que les OPCA "mobilisent" entre 800 et 1000 militants rien que pour la CFDT...

Les personnes les moins employables, les salariés à durée déterminée ou les demandeurs d’emploi, ont une probabilité bien plus faible de suivre des formations que les individus plus qualifiés. L’obligation de dépenser, conçue de manière indifférenciée (1,6% de la masse salariale dans une entreprise donnée), contribue de ce point de vue à accroître les écarts de participation, puisque les entreprises sont plus enclines à financer les stages des travailleurs les plus diplômés et les plus stables, pour lesquels le rendement de la formation est plus élevé.

Les travaux micro-économétriques montrent que (les) rendements (de la formation), ... mesurés par la croissance du salaire consécutive à cette dernière ..., sont faibles. ...

L’échec prévisible de la réforme de la formation est également l’échec d’une méthode consistant à donner aux partenaires sociaux la responsabilité de changer le système qui les fait vivre. Syndicats de salariés et d’employeurs ne scieront pas la branche sur laquelle ils sont assis avant que l’on ait fourni un matelas pour amortir leur chute : la réforme du financement syndical est le préalable à toute réforme ambitieuse du marché du travail.

Je suis d'accord avec tous les passages que j'ai repris ici ;-) ... et en particulier la chute sur le financement des syndicats. Cf. mon article sur agoravox : "L’indépendance et la représentativité syndicales demandent bien plus que la fin d’une caisse noire".

J'ai plus de doutes sur deux conclusions des auteurs. Selon eux, c'est "l’obligation de payer qui alimente de manière artificielle un marché de la formation éclaté, pléthorique, où les professionnels de qualité côtoient des prestataires dont l’efficacité, voire l’honnêteté, restent à démontrer."

Faut-il réduire le nombre d’organismes de formation ?

Au contraire, si on voulait une formation étroitement insérée dans l’exercice professionnel, il faudrait que chaque entreprise se fasse formatrice (y compris pour les salariés des autres).

D’ailleurs, qu’est-ce qu’un "gros" organisme de formation ? C’est souvent un catalogue, un service comptable, voire des salles, et s’il y a des stagiaires qui s’inscrivent, l’OF fait appel à des free-lances comme formateurs. C’est eux qui font la qualité ... et pourtant, dans ce système, eux restent tout à fait "éclatés" ! Les certifications qualité pour les OF ne portent pas, à ma connaissance, sur le talent pédagogique de leurs free-lance. Ou dit autrement : il n’existe, à ma connaissance, aucun certificat de qualification professionnelle pour les formateurs, qui soit fondé sur leurs résultats pédagogiques.

Faut-il supprimer "l’obligation de payer" ? (le "1%" ?)

D’autres recherches montrent, sauf erreur de ma part, que les employeurs (du privé) ont peu d’intérêt économique à former des salariés mobiles, surtout les PME et surtout concernant les formations longues (que les auteurs recommandent pourtant) : ces formations permettent au salarié de trouver une promotion ... en changeant d’employeur[1]. Ce qui peut être excellent pour le pays, mais n’incitera pas l’entreprise à payer !

Il faut donc plutôt, à mon sens, trouver un système de financement collectif qui incite employeur et salarié à chercher et choisir les formations les plus efficaces pour la promotion professionnelle du salarié.

Quant à l'incroyable scandale, rappelé par l’article, qu'est le détournement de fonds (et de personnel) de la formation professionnelle vers les syndicats de salariés ... et d’employeurs ... il suffirait de l’interdire et de le poursuivre. D’ailleurs, si les pouvoirs publics ne le font pas, quelle réforme changera la situation ? Bien sûr, comme l'écrivent les auteurs, on ne peut pas demander aux partenaires sociaux de se trancher un bras (Cf. référence à l’accord interprofessionnel du 7 janvier 2009). Mais ... que fait le Parlement ?

Notes

[1] Exception qui confirme la règle : les institutions où les carrières sont généralement "à vie" investissent souvent bien plus des "1%" obligatoires, pour la formation longue et la promotion de leurs salariés.