Notre famille politique est là ou elle a été la majorité du temps depuis un siècle et demi : très bas. Je persiste innocemment à penser qu'elle a les clés du succès collectif dans le nouveau monde.
Mais elle n'arrive pas à en convaincre, et parfois elle semble l'ignorer elle-même - en tout cas, elle s'interroge. Voici deux commentaires que m'ont inspiré idees et skeptikos, répondant lui-même à nemo.
Pour nemo, et je suis bien d'accord, "Notre point fort?" c'est "Le produit", même si "la version 2007 a besoin de mises à jour". Il en déduit que "lorsque les Démocrates seront installés de manière pérenne dans le paysage politique français, la question de la démocratie interne se posera tout comme celle des primaires."
Skeptikos lui répond que si produit il y a, le MoDem a aussi un panel de consommateurs : ses adhérents. "Si « les adhérents » n’adhèrent pas, probablement l’électeur non plus." ... "On appelle comment ... un parti qui choisit de se couper de ses électeurs ?"
Je suis tout à fait d’accord avec son point de vue – et d’accord en particulier avec l’idée que nos propositions pour la France seront d’autant plus crédibles que notre comportement interne sera à leur image. Nicolas Sarkozy s’est fait obéir l’arme au pied par les militants et élus UMP, les électeurs se sont dit qu’il se ferait obéir tout aussi bien par l’Etat et les autres nations (oups). Ségolène Royal a fichu le binz parmi les éléphants, les sympathisants de gauche se sont dit qu’elle pourrait « rénover » et « participativer » aussi le fonctionnement de l’appareil d’Etat.
Avec une nuance cependant. Le parti n’est pas là pour ses adhérents. Ce sont les adhérents qui, par hypothèse, adhèrent pour faire avancer la cause à l’origine de la création du parti – inscrite dans son objet statutaire : démocratie de responsabilité et développement durable.
L’inefficacité éventuelle dans cette lutte conduit des adhérents à se replier sur des combats intestins, « construisons la démocratie dans le parti d’abord et on verra le reste après ». Mais si on coupe le mouvement de sa finalité (le « après »), rien ne se construira.
Si les organes centraux du parti ne sentent plus de capacité des adhérents et mouvements locaux à construire avec succès, si ces organes centraux ont l’impression d’avoir à faire à un public en lutte interne constante (entre contestation systématique et promotion d’intérêts personnels), leur réflexe immédiat sera le repli sur eux-mêmes, sur le microcosme central (permanents, télévision, Assemblées législatives) en communication directe avec le grand public. En laissant les adhérents se débrouiller tous seuls.
Pour éviter cette triste fin, il faut donc garder à l'esprit, au coeur les finalités de notre engagement - ce qu'on appelait jadis ses "fins dernières". Deux billets de idees y sont consacrés. Le premier estime que "Définir l’utopie centriste serait une réelle révolution." Le second la définit comme "une société ... dans laquelle les individus seraient tellement responsables et conscients des conséquences de leurs actes sur les autres et leur environnement, qu’il n’y aurait plus besoin d’autre loi que “ma liberté s’arrête ou commence celle des autres"." Dans laquelle, par exemple, les traders seraient "libres de négocier les bonus qu’ils veulent, mais ... responsables des conséquences".
J’adhère tout à fait à la formulation de l’idéologie démocrate comme celle de la responsabilité humaine.
Admettons que la droite croie à l’individu, non à la société. Que les cadres sociaux soient pour elle une contrainte hélas nécessaire pour mettre l’individu en sécurité.
Admettons que la gauche croie à la société, non à l’individu (”unidimensionnel”, entièrement conditionné par sa capacité de production et de consommation). C’est quand il est pleinement intégré aux cadres politiques (syndicaliste, agent public, manifestant, etc.) que son action fait sens, participe à l’histoire.
En tout cas, les démocrates croient à la personne humaine vivant en société, capable de s’associer avec d’autres et de s’intéresser au bien commun. Pour nous la politique vise à favoriser cet engagement civique.
Mais il me semble jusqu’à maintenant que ce "produit" se vend fort mal. J’ignore pourquoi. Peut-être parce que l’électeur veut par son vote transférer la responsabilité, s’en affranchir - comme un recruteur qui embauche, veut que le travail soit fait par la personne embauchée et non par lui-même.
Alors on essaye de "vendre" une déclinaison de l'idéologie démocrate : le centrisme.
Car si la gauche (d’origine marxiste) a pour objectif central la conquête du pouvoir politique par les pauvres afin de contrebalancer le pouvoir économique des riches (”lutter contre les inégalités”) ; si la droite (d’origine libérale ou conservatrice) a pour objectif le contrôle du pouvoir politique pour permettre le libre jeu des acteurs économiques (”permettre aux entreprises d’être performantes”, “permettre à chacun de jouir du fruit de son travail”) ; la gauche comme la droite deux jugent structurant le conflit politique, et profitable l’affrontement de deux camps.
Tandis que le centre (démocrate) a pour objectif une régulation de l’économie qui rende l’action de chacun plus favorable au bien commun. Il recherche le dialogue ouvert et le consensus qui fondent des décisions durables, parce que dépassant les affrontements de camps.
“Croire en l’autre, c’est ce qui a fait de moi un Démocrate” - Barack Obama
Et on revient à la question de départ : comment construire un parti sur le dialogue ouvert et le consensus entre ses membres, entre ses échelons, bénévoles et permanents, adhérents et élus ?... Plus facile à revendiquer dans le monologue et le dissensus, qu'à réaliser dans la pratique, le manque de temps, de moyens, d'opportunités et de résultats électoraux.
Et pourtant ... nécessaire, parce qu'une société qui sait devenir solidaire, qui s'enrichit de sa diversité, c'est la France qui saura sortir de la crise, qui trouvera le chemin d'un développement durable.
"Et on revient à la question de départ : comment construire un parti sur le dialogue ouvert et le consensus entre ses membres, entre ses échelons, bénévoles et permanents, adhérents et élus ?.."
Tout simplement en faisant CONFIANCE et non en supposant le mal. En partant d'un postulat bienveillant, même si tous en pensent pas exactement pareil.
Toi qui as une famille, tu sais bien qu'elle ne peut vraiment fonctionner que si tous ses membres se font confiance.
"Mais il me semble jusqu’à maintenant que ce "produit" se vend fort mal. J’ignore pourquoi."
Là, tu pointes LE plus gros problème du MoDem qui se décline en 2 points:
1) Avoir un projet construit et clairement formulé.
Et non pas constamment s'opposer, être indigné, protester, s'insurger contre, etc... comme le font les dirigeants par dépêches de presse ou articles interposés
2) Descendre de l'intellectualisme qui caractérise la plupart des membres qui s'expriment, car la population ne comprend RIEN.
J'ai eu plusieurs fois l'occasion de vérifier parmi les amis, la famille et sur le terrain.
Des cousins éloignés l'ont le mieux exprimé: "Quand F. Bayrou parle à la TV, on ne comprend RIEN", lui est ouvrier, elle coiffeuse.
C'est ce qu'a constaté JF Kahn sur le terrain: "les gens ne comprennent pas de quoi nous voulons parler"...
Et là, c'est le plus difficile, les sondages montrent d'ailleurs que dans les couches de la population telles que les agriculteurs, les ouvriers, chômeurs, etc... le MoDem a des taux d'approbation très bas.
C'est dans cette émission que JF Kahn en parle:
http://sites.radiofrance.fr/chaines...
Avant de songer à ouvrir le débat sur les idées, encore faut-il rassembler suffisamment de militants au préalable, réunis autour d'idées fortes, clairement identifiées afin de donner au débat d'idées un semblant de légitimité et de pertinence.
Donc d'abord les idées, le programme, fût-ce soumis à une Direction un peu trop centrale (quoique je pense qu'elle l'est bien moins qu'au début), ensuite une fois une certaine maturité atteinte, élargie la démocratie interne.
Le faire maintenant serait certainement fragiliser notre mouvement dont on n'arriverait plus vraiment à en identifier le message principal.
C'est un très bon billet. Certes, il serait intéressant d'échanger face face mais il y a matière pour cette réflexion
Quand on vient sur ce blog, il faut s'attendre à devoir torturer ses neurones, car on est souvent confronté à une forme de "pensée complexe", à des propos quelque peu élitistes,... Mais l'exercice est salutaire, car il contraint à la réflexion, à structurer et organiser nos idées, et à les approfondir également.
Dans ce billet, j'ai donc compris qu'il était en particulier question de la place des adhérents au sein de notre Mouvement. A ce sujet, me viennent en particulier ces quelques réflexions :
- sur le rôle et la place de l'adhérent, mais aussi sur celle du militant, François Duran (qui semble nous avoir quitté!) nous avait déjà proposé des réflexions intéressantes et pertinentes : elles sont toujours et plus que jamais d'actualité, bien que je craigne que l'on s'en soit éloigné au sein de notre Mouvement.
- l'adhésion (au sens étymologique du terme) s'élabore progressivement : elle ne se décrète pas, ne s'impose pas , ... à moins que l'on en soit toujours à cette conception de l'adhérent colleur d'affiches et distributeur de tracts, mobilisable pour venir faire la claque lors des meetings ou imposer des décisions à l'occasion de votes à main levée
- "les adhérents, notre force", entendait-on en 2007, dans les premiers mois de notre Mouvement. J'en suis pour ma part convaincu, même s'il me faut faire le constat que cette "belle idée" a été abandonnée par nombre de nos responsables.
- ne convient-il donc pas de considérer l'ensemble des adhérents comme un "corps intermédiaire", une sorte de "courroie de transmission" - en se rappelant qu'une courroie, comporte deux brins qui relient l'un à l'autre deux poulies - entre des responsables politiques et l'ensemble de nos concitoyens. La relation est dès lors bi-univoque, et on voit là le rôle stratégique des adhérents. Il revient aux adhérents d'être en interne l'expression des besoins et attentes de nos concitoyens, de formuler des propositions permettant d'y répondre. On voit, dès lors, ce que notre Mouvement a à gagner à faire vivre une certaine forme de "démocratie interne", en considérant que les adhérents constituent une sorte "d'aile avancée" de notre Société
@ tous merci pour ces commentaires et compléments.
@ Daniel Testard : désolé pour la torture, c'est pas le but... Je sais, j'ai du mal à faire simple et clair. Mais ce blog me sert à ça aussi : jeter sur le clavier des impressions encore mélangées, pour les décanter, par le fait de les relire, par le temps qui passe, et surtout grâce aux commentaires. Donc merci pour l'effort !
Pourtant quand je relis ce billet certes fort long et aux phrases longues, j'ai l'impression que toutes les idées sont simples et claires. C'est dire la difficulté ... "intellectualiste", dirait Danièle Douet.
Sur vos alinéas "adhérent" et "adhésion" : tout à fait d'accord.
Sur les termes "les adhérents sont notre force" : c'était le slogan d'une liste aux élections internes en Ile-de-France, conduite par Quitterie Delmas. Autant Quitterie et sa liste m'étaient et me reste sympathiques, autant ce slogan me semblait extraterrestre. Car dans cette phrase, qui est "nous" ?
Sur l'idée de "courroie de transmission" : c'est à creuser. Il y a quelque chose dans l'image qui ne va pas ; la courroie de transmission va d'un moteur à un objet mû, elle est passive, les adhérents sont venus pour être des "citoyens actifs". Et pourtant il y a dans l'image quelque chose d'important, qui rejoint l'idée de skeptikos sur le "panel". Les adhérents font quelque chose que les leaders médiatiques ne peuvent pas bien faire, eux dont le métier est de convaincre : écouter les citoyens.
Aujourd'hui, les adhérents le font-ils ? Ont-ils envie de le faire ? C'est exigeant et difficile. Cela vous remet en cause dans votre propre engagement. Mais si nous y parvenons, c'est un gage de succès pour notre Mouvement.
Voir l'excellent billet de Cédric Augustin : http://tinyurl.com/yd52kx7
"Les adhérents font quelque chose que les leaders médiatiques ne peuvent pas bien faire, eux dont le métier est de convaincre : écouter les citoyens."
C'est LÀ un des graves problèmes de la pratique politique en France.
Il y a des gens - les politiques - qui veulent "convaincre", mais ils sont totalement en déphasage avec la société qui ne les comprend plus, justement parce qu'ils ne l'écoutent pas.
Le rôle du politique serait justement d'être l'oreille sur le coeur de la société pour l'ECOUTER. Ce n'est pas le rôle des adhérents mais des "leaders" trop occupés à façonner leur "carrière" dans un pays avec 85% de cumul des mandats.
http://www.lemonde.fr/societe/infog...
Je l'ai bien vu sur le terrain, tous partis confondus, MoDem également.
Pour ECOUTER, il faut beaucoup d'humilité et avouer qu'on ne sait pas. Et ça, c'est très difficile pour certains...
L'immense gouffre qui existe entre le discours de politiques et les préoccupations de la population est un véritable problème en France. Les gens "simples" ou plutôt "normaux" ne comprennent absolument pas le langage utilisé.
Il faudrait le rendre tout simplement plus compréhensible en en extrayant la "substantifique moelle" avec beaucoup de pédagogie pour parvenir à un message SIMPLE et CLAIR, compris par l'ouvrier, la coiffeuse, l'agriculteur, etc...
Nous en sommes très, très, très loin...
"Pour ECOUTER, il faut beaucoup d'humilité et avouer qu'on ne sait pas." ça ne suffit pas, loin de là. Nous connaissons tous de grands leaders qui ont ces qualités mais ont peu d'occasions d'écouter les gens ordinaires. Parce que ces gens ordinaires, s'ils sont face à un grand leader, un personnage médiatique, ne se comportent pas de façon ordinaire, ne parlent pas de leur vie ordinaire. Et c'est normal. Ils deviennent selon les cas revendicatifs, intimidés, inspirés, ils s'en prennent à la personne en se demandant si elle est ou non conforme au personnage - comme éternellement les journalistes interrogent les acteurs de cinéma, en leur demandant éternellement s'ils ont vécu dans la vraie vie ce que vit leur personnage.
La seule façon dont dispose une personnalité médiatique pour écouter l'opinion, c'est comme pour un comédien face aux projecteurs : lancer quelque chose et attendre l'écho. Se guider sur l'écho de sa propre voix. C'est ça qu'on appelle le talent politique - savoir se guider sur les échos, les odeurs, les ondes qui vous reviennent de vos interlocuteurs selon ce que vous dites.
Evidemment, ça n'a pas grand chose à voir avec le talent d'un homme d'Etat, d'un responsable. Rarement les gens qui ont un tempérament d'homme d'Etat sont de bons politiques (de Gaulle était exécrable de ce point de vue - "j'agace", lui faisait dire Faizant). Souvent, ils savent écouter. Mais une fois haut placés, retour au problème précédent, qui leur parlera d'une voix normale ? Sincère, simple, désintéressée, quotidienne ?
Bref, je m'éloigne de ton sujet, mais je suis sûr que la remarque de Daniel met le point sur quelque chose d'essentiel : les adhérents comme "neurones" au contact avec les électrices et électeurs (et abstentionnistes). Un système nerveux dont aujourd'hui nous savons mal nous servir.
@ Frédéric:
Excellente réponse !
Et notamment:
"Parce que ces gens ordinaires, s'ils sont face à un grand leader, un personnage médiatique, ne se comportent pas de façon ordinaire, ne parlent pas de leur vie ordinaire"
"Mais une fois haut placés, retour au problème précédent, qui leur parlera d'une voix normale ? Sincère, simple, désintéressée, quotidienne ?"
"les adhérents comme "neurones" au contact avec les électrices et électeurs (et abstentionnistes). Un système nerveux dont aujourd'hui nous savons mal nous servir."
A condition que la voix des adhérents puisse être prise en compte, lorsqu'elle rapporte le ressenti des citoyens.
Je ne supporte pas le mot "électeur" (sorry), car il est un être auquel on s'adresse seulement en période électorale.
C'est ainsi que les commerçant des marchés voient arriver les hordes de militants avant les "élections" et tout le reste du temps, les CITOYENS, on les oublie...
Il me semble que la voix des adhérents au contact des citoyens est totalement bloquée par les instances politiques qui recherchent à se positionner.
Foin du citoyen... me semble-t-il après deux ans d'engagement actif...
Est-ce que je me trompe ?