"La démondialisation est un concept réactionnaire", selon Pascal Lamy, directeur général de l'OMC, dans Le Monde.
Le terme est violent, et M. Lamy le justifie par les faits techniques :
Les moteurs de la mondialisation sont le porte-conteneurs et Internet et la technologie ne reviendra pas en arrière !
Ça fait plaisir de voir enfin reconnue ce fait élémentaire : la mondialisation n'est pas, d'abord, un courant politique ou une option économique, c'est l'invention du transistor et du logiciel, qui a crunché les distances sur la planète.
Mais les acteurs économiques se saisissent des techniques selon leurs valeurs et leurs intérêts ; et la politique est chargée de gouverner le monde réel, avec ses techniques changeantes. Pascal Lamy ne dit pas le contraire :
Il faut une régulation qui maîtrise les forces en présence. Ce n'est pas la mondialisation qui fait problème, mais l'insuffisance de garde-fous.
"Maîtriser" les forces technologiques, les déséquilibres économiques et écologiques, de façon efficace,
en utilisant d'autres formes de protection que le protectionnisme qui ne protège pas.
M. Lamy est-il si éloigné de Mme Le Pen ou de M. Montebourg ?
Oui, sur les moyens : Mme Le Pen ou M. Montebourg ont une croyance, fondée à mon avis sur l'ignorance, dans les vertus des taxes douanières. Je donne raison, là-dessus, à M. Lamy.
Oui, sur les valeurs : affubler la "démondialisation" d'une insulte, comme le fait M. Lamy revient à donner une valeur positive à la "mondialisation" alors même qu'on la décrit comme un simple fait technique. Ce n'est pas cohérent. Raisonner franco-français comme le fait Mme Le Pen, ce n'est pas seulement voué à l'échec, c'est aussi la négation de tout l'épanouissement de la société française depuis 1945, son ouverture au monde, aux coopérations, aux voyages, aux langues étrangères,... Serons-nous vraiment plus heureux en remplaçant nos iPhone et iPad par des TO7 ? Je donne raison, là-dessus, à M. Bayrou ;-) :
Le protectionnisme, c'est d'imposer aux autres des règles que l'on ne respecte pas soi-même.
La démocratie, c'est de fixer ensemble des règles qu'ensemble nous appliquerons[1]. Pour que la mondialisation technologique bénéficie le plus possible à tous, et fasse peser les moins grands risques possibles sur l'humanité en général, et chacune de nos nations en particulier.
Il existe une autre position : la mondialisation des échanges commerciaux avec la promotion des territoires et de leurs spécialités.
Je vous propose la lecture des universitaires Bernard Pecqueur et Gabriel Colletis :
http://www.u-picardie.fr/TOUS/Docum...
http://www.decitre.fr/livres/Le-dev...
Fultrix.
Pascal Lamy souligne également dans l'article que " le système éducatif est le principal moteur du développement", ce que nous proprosons.
En revanche il est évasif sur les autres formes de protections et un brin optimiste sur le rattrapage salarial pays très développés/émergents ou pauvres vs le dumping cout du travail. Je partage son avis sur la démondialisation, inutile, la réflexion porte sur la déglobalisation. Relocaliser les productions c'est aussi inciter les entreprises à ne pas globaliser l'organisation interne et de l'outil productif en particulier.
@ fultrix, atlantic : merci pour vos commentaires ; tous deux me semblent aller dans le sens de ce que ma génération (quadra) a appris en mathématiques, mais que la génération au pouvoir ignore : "small is beautiful" ; les systèmes parfaitement unifiés, parfaitement optimisés, sans concurrence, sont facteurs de risque, propices à la prédation, et vulnérables. C'est le choix du court terme. La régulation, l'incitation, la promotion… dont il s'agit, doivent conduire à intégrer le long terme (la résilience, la robustesse, la soutenabilité) dans les décisions de court terme.
C'est une vision du monde pas si nouvelle, mais que les décideurs d'aujourd'hui, et sans doute la majorité des gens de pouvoir en général, ont du mal à faire leur.
Un ordre de grandeur sur la référence au "porte-conteneurs" : si le prix du carburant, par exemple, venait à doubler le coût d'une transocéanique pour le transporteur, le surcoût supporté par le consommateur par écran plasma transporté, par exemple, serait de l'ordre de 1€. No comment.
J'ai une petite réserve sur le titre : je ne crois pas que l'on puisse qualifier la mondialisation de "libérale". Tant que certaines monnaies resteront des outils politiques de spoliation ou que l'OPEP décidera du prix du pétrole, on en restera très, très loin...
@buildfreedom sur le caractère bien peu "libéral" d'une mondialisation oligopolistique : vous avez raison. J'ai cédé à cette facilite de langage... Apres réflexion et faute de mieux.
Sur le porte-conerneurs, je n'ai pas bien compris la conclusion que vous en tirez, pouvez-vous l'expliciter "pour les nuls" ?
@build freedom
"si le prix du carburant, par exemple, venait à doubler le coût d'une transocéanique pour le transporteur, le surcoût supporté par le consommateur par écran plasma transporté, par exemple, serait de l'ordre de 1€. No comment."
Sauf que cela bouge aussi. Les porte-conteneurs se mettent au moteur diesel hybride, avec un gain de 25-30% de rendement. On peut aussi envisager qu'ils ralentissent en fonction du prix du carburant, des navigants et des délais négociés.
Pour les écrans à plasmas, démarrage cette semaine d'une ligne de train Chongqing-Dortmund ( mais je ne retrouve plus)
Si cela vous intéresse, à l'époque du creux pétrolier de 2001-2005, les transporteurs français envisageaient des entrepôts géants .. à Budapest. Compte-tenu de la différence de salaire des manutentionnaires, c'était moins cher qu'à Lyon.
On en est revenu, mais clairement cela donne des idées de fiscalité écologique.
Avec des aléas politiques, comme quand Renault a voulu relocaliser une partie de ses Twingo de Slovénie à Flins.
@FredericLN
Ma phrase est en effet maladroite. Je voulais justifier l'évocation de Lamy quant aux porte-conteneurs et souligner la puissance et la justesse de cet argument. On croit souvent, à tort, que le renchérissement du prix du pétrole, en renchérissant le prix du transport va jouer un rôle inévitable de "démondialisation" (le terme est à la mode), et permettre une relocalisation de certaines industries. Je signifiais donc, en prenant l'exemple d'écrans plasma importés, que s'il fallait répercuter un doublement du prix du transport sur le prix de vente des dits écrans, compte tenu des capacités gigantesques des porte-conteneurs, cette hausse ne serait que de l'ordre de 1€ par écran. Ce qui serait très loin de les rendre non-compétitifs face à une hypothétique production locale.
@ XS, BuildFreedom : donc, nous sommes tous d'accord... Ni le prix du pétrole ni des taxes d'importation ne seraient de nature à "démondialiser", ni à revaloriser la socio-, éco- ou bio-diversité dont notre société aurait besoin pour durer.