Je découvre grâce à ataraxosphère l'éditorial - un véritable programme politique - publié par Nicolas Hulot dans Marianne en novembre dernier. En lisant par le petit côté, on pourrait dire "mais que n'a-t-il soutenu François Bayrou en 2007 !". Mais lisons plutôt par le grand côté : voilà un programme assez clair, exigeant, porteur d'espoir, qui ferait un excellent "annule et remplace" des plans de relance gouvernementaux successifs.

Comme ce texte est tout de même long et comporte un peu beaucoup de mots technos à mon goût, un poil d'emphase dans la première partie, bref, votre serviteur trouve toujours quelque chose à redire...

Comme le texte un peu long, donc, je vous en propose un abrégé à 50%. Les "..." signalent les coupes, et j'ai restructuré la phrase sur les langoustines. Que cela vous encourage à aller lire l'original !


... Nous voici au Cap Horn de la civilisation. ...

Crises financière, économique, énergétique, alimentaire, climatique, écologique : ... crise systémique (qui ...) met l’humanité au pied du mur, et appelle une réponse systémique. La voie est étroite et le temps presse. ... C’est l’ultime occasion de redonner du sens au progrès.

... L’argent est là visiblement, puisque mobilisable du jour au lendemain par milliards d’euros pour sauver le système économique, ou être dépensé, ... à fonds perdus ... dans des budgets militaires monstrueux (près de 3 milliards de dollars par jour au niveau mondial). Il est là, mais mal orienté, mal partagé ...

Plus de deux millions de personnes ... meurent chaque année de maladies pour lesquelles ils existent des traitements et des médicaments ailleurs. ... Un apartheid planétaire, qui ne dit pas son nom et qui cautionne et valide un sous-développement durable. ... Situation intenable sur une planète connectée où tout se voit, où tout se sait, et qui ajoute comme le fait remarquer justement le philosophe Patrick Viveret, « à l’injustice un élément explosif : l’humiliation ». 
(Il faut que) l’on replace l’économie et la finance au service de l’homme. ...

Notre économie, ... s’est historiquement constituée sur l’appropriation des ressources naturelles. Nous puisons dans un stock fini et nous effaçons progressivement ... notre patrimoine vital. De l’illusion de l’abondance, nous basculons dans la réalité de la rareté ... Ne nous croyons pas civilisés en profondeur ! Quand les pénuries s’additionnent et que la nature se rebelle, le vernis des bonnes manières vole instantanément en éclats, et le capital de valeurs qui fait la société laisse place à la loi du plus fort et du chacun pour soi.

Pourtant, le génie humain ne fait pas défaut. La technologie et la connaissance sont d’ores et déjà suffisantes, même si la créativité et l’inventivité, comme les ressources humaines, doivent êtres mobilisés et orientés pour aider à sortir de l’impasse. ...

(Un) dénominateur commun à toutes ces crises actuelles reste notre incapacité chronique à nous fixer des limites, ce bon sens perdu de la mesure. ... Nous sommes condamnés à partager dans l’espace et dans le temps, et pour ce faire, à économiser au sens noble du terme. ... La « science » qu’est supposée être l’économie devrait nous (y) inciter et aurait dû nous guider. ...

Peut-on mettre fin à une société basée sur la compétition, la prédation et l’accumulation ? Peut-on glisser du libre-échange au juste échange ? ... Peut-on passer du maximum à l’optimum ...?

Pour faire face ... dans un monde jugulé par la dictature du court terme, il me semble qu’il y a deux priorités absolues.

La première, à l’échelle individuelle et collective, revient à trier dans les possibles. Le progrès se construit avec des acquiescements et des renoncements. C’est un renoncement consenti, « La révolution faite à l’amiable », selon Victor Hugo. Renouer avec le corollaire absolu de la liberté, choisir. Hiérarchiser nos objectifs ... La civilisation ne consiste pas à multiplier les besoins mais à les limiter volontairement. ...

La deuxième priorité consiste à économiser, réguler, réduire, réutiliser, recycler pour partager aujourd’hui et surtout demain. ... Il faut sortir d’un système monétaire et financier entièrement fondé sur la croissance exponentielle de l’endettement des agents économiques publics et privés. Celui-ci exige en effet une croissance économique perpétuelle, et consume les éléments physiques et biologiques qui préconditionnent son existence. Il faut donc mettre en place, au cœur de la banque et de la finance, de nouvelles règles qui limitent le crédit, l’effet de levier, l’innovation financière débridée ..., ainsi que la croissance de la valeur des actifs spéculatifs au détriment des activités réelles. Il faut ainsi redonner du pouvoir financier aux Etats, sous contrôle démocratique, en réduisant celui qui a été donné à la sphère financière.


Simultanément, il faut adopter sans concession un objectif de réduction de consommation des ressources naturelles compatible avec les contraintes physiques. Aujourd’hui, on ne consomme pas, on consume. (Il faut) trouver le point d’équilibre entre ce que la nature peut nous donner et ce que nous pouvons lui demander. ... Il en est de l’écologie, comme de l’économie : vivre au-dessus de ses moyens n’a jamais de fin heureuse.
Les changements climatiques et la déplétion du gaz, du pétrole et du charbon, nous condamnent à un renoncement rapide aux combustibles fossiles. Cet objectif doit constituer la pierre angulaire de la politique et de l’investissement à dater d’aujourd’hui. Plus tôt on préparera l’inévitable transition énergétique et mutation écologique, plus elles seront socialement acceptables et économiquement supportables. Il faut un plan Marshall qui oriente massivement les efforts des uns et des autres vers l’économie de demain. Un plan sobre en ressources, tout autant qu’équitable, qui fonde la relance économique et sociale, non sur le dopage de la consommation, mais sur le soutien massif et prioritaire pour la transition vers les sociétés post-carbone ...

Il y a des comportements et des pratiques absurdes (comme envoyer des langoustines d’Ecosse se faire décortiquer en Thaïlande et revenir pour être commercialisées) que doit rendre obsolète la prise en compte, dans notre comptabilité, des coûts énergétiques réels, en donnant un prix au carbone émis et (aux) impacts environnementaux ...

Il y a d’autres flux qu’il faudra réguler (le prélèvement de l’eau, l’exploitation des ressources halieutiques, entre autres). ...

Enfin, il sera nécessaire de basculer, en partie ou en totalité, la fiscalité essentiellement basée sur le travail ou le capital manufacturier, vers la régulation du capital financier, de l’économie rentière, mais aussi et surtout de l’exploitation du capital naturel, de l’énergie, de la pollution et des impacts environnementaux. Réduire les prélèvements du travail, c’est libérer l’emploi et limiter le dumping social. Réguler au niveau mondial la consommation de la nature, c’est redistribuer les ressources, de fait, vers les pays en voie de développement tout en permettant un rééquilibrage politique. ...

Non seulement un autre monde est possible, mais il est souhaitable, incontournable, voire désirable. Il faut retrouver le goût de l’avenir ...

Dans un délai assez court, nos intérêts sont les mêmes, le Nord a tout à gagner à ce que le Sud gagne. Profitons-en pour créer une coalition pour mutualiser et échanger nos vertus et non plus nos vices (, pour) l’épanouissement durable et équitable de la condition humaine.

D’après Nicolas Hulot, Marianne n°604, 15 novembre 2008 : "G 20 : Solidarité ou Chaos ? L’Humanité a rendez-vous avec elle même !"