Corinne Lepage renonce à rejoindre Europe Écologie, et même les frères Cohn-Bendit ouvrent le feu contre leur création. Faut-il y voir un monstre qui a échappé à son créateur… et retourne à des atavismes groupusculo-sectaro-gauchistes ?

Pouvons-nous nous permettre une Schadenfreude, après avoir été nous-mêmes critiqués de ne pas avoir su dépasser les défauts du centrisme ?

Non. Pour qu'une alternative démocrate et écologiste émerge[1] face au sarkozysme et à la "première gauche", il faudrait que tous les partis, mouvements, courants qui partagent ces valeurs démocrates et écologistes (dont le MoDem lui-même)… réussissent, grandissent, mûrissent, construisent, fassent envie…

… et leur diversité n'est pas un problème : il est facile de s'entendre quand on est en route pour gagner.


Ceci dit, je comprends aussi mal les intentions de Daniel Cohn-Bendit que la stratégie de l'appareil des Verts : changer l'orientation de la politique française, ou servir de caution à un nouveau quinquennat PS ?

J'ai un point de comparaison. J'avais fait le même choix en 2001, à Argenteuil paralysée par 66 ans de communisme : appuyer une liste "verte et ouverte" dont j'espérais qu'elle apporte un peu de renouveau, à défaut de l'arrivée improbable d'une autre Municipalité.

Donc je suppose que Daniel Cohn-Bendit fait le même choix : remettre à plus tard un changement auquel il n'oserait pas ou plus espérer, se contenter de mettre un pied dans la porte en attendant.

Le résultat de 2001, c'est qu'après le 1er tour, le PS avait décidé d'ignorer notre liste (à 7,5%), et qu'il n'y avait donc pas eu de fusion avec la liste PCF-PS ; que notre liste a refusé de discuter avec les deux autres listes qualifiées (concernant le FN la question ne se posait pas, et quant à la liste "de droite se présentant comme non partisane" la réponse a été "nous on est de gauche ! jamais !"). La droite a gagné - ce qui a été à mon avis une très bonne chose, au moins les 1 ou 2 premières années - et les écologistes sont passés de 5 sièges à 0.

Un exemple ponctuel n'est qu'un exemple ponctuel, des personnes différentes pourraient en tirer (et en ont tiré) des conclusions divergentes. La mienne a été : soit tu proposes une alternative qui tient la route parce que tu es capable de gouverner ; soit qu'est-ce que tu fais là ?


Je crois que proposer cette alternative est urgent, car la France est "en situation de faillite" (même si elle est temporairement masquée par la faillite, plus rapide encore, des systèmes bancaires d'autres pays).

La faillite n'est pas une situation d'impuissance politique, c'est l'inverse : comme pour une entreprise ou pour un ménage, la faillite est une situation de crise dans laquelle des décisions radicales sont possibles, qui vont dans des sens différents ; une situation qui peut susciter des évolutions sociales radicales, pour le meilleur comme pour le pire.

Et il y un autre risque : celui de continuer comme avant. Soit à gauche avec son éternel crêpage de chignon, pendant lequel quelques hiérarques se partagent ce qui reste du magot avec les Grands du business ; soit à droite avec l'autoritarisme du chef, qui mute rapidement en tape-à-l'oeil, irresponsabilité financière et écologique, et surdité aux attentes des citoyens.

Écologistes et démocrates, quel que soit notre passé, notre chemin, nos dégringolades, il faut remonter la pente !


Sur le même sujet, sur ce blog : "Démocratie et écologie, le seul chemin viable" (10 septembre) ; "EE ou MoDem, encore" (22 août) ; "Démocrates un jour, démocrates demain ?" (20 août) ; "Croire le changement possible" (20 août) ; "Après avoir coulé la France, ils espèrent couler le MoDem" (11 mars) ; "Feu rouge-orange pour le MoDem" (6 décembre 2009) ; "L'écologie, j'y crois avec ou sans les Verts" (13 octobre 2009).

Notes

[1] Quelque chose qui y ressemblait s'appelait "Le Rassemblement", a vécu ce que vivent les roses, mais les roses aussi refleurissent).