Un nouvel équilibre économique est à trouver – non plus entre liberté des échanges et craintes des opinions publiques (époque industrielle), mais entre globalisation des échanges et information des intervenants (époque informationnelle).

La crise me semble susciter deux types de réactions.

D’un côté celle des keynésiens-colbertistes : l’État, ont-ils toujours dit, doit centraliser la dépense et investir pour tous. Les entreprises privées sont tolérées si elles exportent ou préservent l’emploi chez nous.

Ces keynésiens-colbertistes ne trouvent, à vrai dire, dans la crise actuelle, aucun argument en faveur de leurs thèses. L’importation de marchandise chinoise n’a pas suscité la crise ; son paiement à crédit, oui.

Si les keynésiens-colbertistes triomphent, c’est simplement de voir marris, ou faillis, ceux qui hier tenaient le haut du pavé et se moquaient d’eux.

De l’autre, les rentiers-libéraux : la globalisation agrandit les marchés, la finance mondiale finance les investissements là où ils sont les plus rentables, tout cela est bon pour les entreprises donc bon pour tous ! Voilà ce qu’ils nous disent, aujourd’hui comme hier.

Les rentiers-libéraux ne trouvent certes dans la crise actuelle aucun argument en faveur de leur thèse. Ils se réfugient dans le (très) long terme, ou s’y réfugieront au premier trimestre positif. Pour que la finance marche, il faut plus de régulation, entendent-ils ? Certes, répondent-ils : un marché encore plus global, une monnaie encore plus unique.

Si les rentiers-libéraux sont si prompts à rebâtir leur château de cartes (vous savez, le marché qui repose sur la confiance), c’est que personne d’audible ne propose d’alternative.

Voyez le sage Gordon Brown : après avoir méthodiquement coulé, depuis 7 ans, les finances publiques britanniques, la crise le pousse à donner un dernier coup de hache dans le fond du bateau.

Voyez nos éditorialistes : les investissements publics ne sont pas une relance efficace à court terme, admettent-ils ? La dépense fiscale (genre paquet fiscal ou baisse de TVA) est à peu près en pure perte, et creuse en peu de temps une dette qui demandera bien plus longtemps pour être rattrapée ? Quand l’État tente de nourrir le marché, par l’offre ou par la demande, il échoue à tout coup ? Qu’importe, disent-ils : il faut bien faire quelque chose, s’agiter, se remuer, se secouer, dans nos sables mouvants…

 

Revenons à nos moutons. Les rentiers-libéraux ont certes raison de vanter la globalisation des échanges, les vertus de la concurrence et l’économie que les produits chinois font faire aux ménages.

Mais ces vertus n’ont pas convaincu grand monde d’acheter un 4x4 chinois – que devient-il en cas de tonneau ou de choc frontal ? Si vous aviez le choix, vous y mettriez votre famille, vous ?

Alors, pourquoi achèteriez-vous les « produits financiers profilés » et autres « emprunts révisables capés » que vous propose votre banque, et qui n’ont jamais été présentés à des tests Euro-NCAP ? Parce qu’il faut bien faire quelque chose de son argent, me direz-vous ; et s’il n’y a pas de tests Euro-NCAP, c’est que plaie d’argent n’est pas mortelle.

Soit, on peut accepter un risque quand on place son argent. Mais QUEL risque ? On tolère un risque accru contre un rendement accru (chaque investisseur sensé sait que les rendements à la Madoff, +10% par an sur 40 ans sans une année de baisse, ça n’existe pas).

Le risque a son prix : un risque un peu plus grand se rémunère par un taux d’intérêt un peu supérieur. Le tout est de chiffrer ce risque, de chiffrer son prix.

Qui peut raisonnablement accepter de courir un risque systémique qui ne serait chiffrable ni dans sa probabilité, ni dans son ampleur ? Le risque que génère l’enchevêtrement des acteurs financiers, des options et des couvertures, de l’argent propre et de l’argent sale, des analystes et des clubs de golf ?

Vous qui avez de l’argent, vous voulez acheter au son du canon et vous avez bien raison. Investissez dans ce que vous connaissez. Ce dont vous pouvez prévoir le rendement, ou dont vous pouvez apprécier le risque - parce que vous aurez connaissance des facteurs de succès ou d’échec, parce qu’ils sont à portée de l’entreprise ou du terrain que vous achetez, qu’ils ne sont pas planétaires.

Beau raisonnement que voilà, et intéressé, en plus. Si vous avez de l’argent à placer, genre un ISF qui serait mieux investi dans une PME innovante, envoyez-moi un mail, j’ai trois start-up sympathiques et prometteuses à financer. Allez, vous me connaissez !