Michel Rocard et Pierre Larrouturou ont cosigné une proposition aussi sympathique que féérique, dans la veine des "32 heures" : permettre à la Banque centrale européenne (BCE) de prêter à 0% aux Etats de la zone euro, fût-ce par institution de paille interposée.

Mais, comme le rappelle dans lexpansion.lexpress.fr Jean-Louis Mourier, "la BCE ne prête jamais en blanc, c'est-à-dire sans garantie."

C'est le point important. Une Banque centrale n'a pas de recettes propres (elle ne lève pas l'impôt) et n'a donc rien à elle qu'elle puisse prêter !

Ce qu'elle peut faire, de par son statut, c'est transformer en "liquide" (ses prêts à court terme) des actifs peu liquides qu'on dépose chez elle (les "garanties" en question)[1].

En gros, une Banque centrale, c'est "ma tante".

Qu'est-ce que les Etats surendettés pourraient bien déposer en garantie à la BCE, pour avoir son argent en contrepartie ? La proposition de Michel Rocard et Pierre Larrouturou omet complètement cette question…

Elle a tout de même l'avantage de rappeler que les banques et autres investisseurs se font payer, en prêtant à 5 ou 7% à des Etats, une prime de risque qui n'a de justification… que parce qu'il y a un risque de non-remboursement. Si l'on prétend qu'il existe un mécanisme magique rendant les Etats indéfiniment solvables, alors, cette prime de risque n'a aucune justification.

Ou bien, elle correspond au risque d'inflation. Laquelle serait alimentée, et non combattue, par des prêts massifs de la BCE.

Donc, désolé, M. le Premier Ministre, il y a encore du boulot pour sauver les Etats d'Europe.


Rapport de l'ASN : je ne cacherai pas ma satisfaction de voir cette Autorité prendre au sérieux le risque le plus grave.

Au lieu de l'enrober dans les procédures de sûreté, à la façon de l'Élysée.

Au lieu de dénoncer une ou deux centrales "pour l'exemple" et de laisser les autres continuer sans changement… comme si tout le problème était à Fessenheim.

Au lieu de programmer à 20 ou 40 ans une sortie du nucléaire… en nous demandant de prier la République Laïque pour que Fukushima n'arrive pas chez nous d'ici là.

Un accident nucléaire majeur, ce n'est ni la fin du monde, ni un risque du passé. Il faut travailler à réduire ce risque, bien sûr, ET AUSSI apprendre à vivre avec. Le chiffrer, le peser, s'y préparer[2].

Les points soulignés par le communiqué de presse, repris de l'allocution du président Lacoste, me semblent remarquables :

« L’accident de Fukushima marque l’histoire du nucléaire comme ceux de Three Mile Island et Tchernobyl : il y aura un avant et un après Fukushima. Notre approche de la sûreté évolue pour renforcer la robustesse des installations face à des situations extrêmes… » ;

« Nous sommes sur des temps longs : le retour d’expérience complet de l’accident de Fukushima peut prendre jusqu’à 10 ans et il est possible qu’il nous amène à réviser notre compréhension actuelle de l’accident » ;

« Nous devons nous garder de la tentation commode de réduire la sûreté nucléaire à l’accumulation de dispositifs techniques : la sûreté nucléaire repose fondamentalement sur les hommes. Le renouvellement des effectifs et des compétences des exploitants est essentiel pour la sûreté ».

Et c'est un X-Mines qui parle. Bicorne.


Dans tout ça, et dans le projet "TVA sociale" que le chef de l'Etat ressort du chapeau de Borloo, il y a un candidat qui, jusque sous les coups de boutoir de Jean-Jacques Bourdin, garde tout son bon sens et évite de se laisser embarquer dans la petite polémique. Chapeau, donc, ou casquette orange.

Notes

[1] J'ai mis longtemps à comprendre ça ! Mes articles anciens sur la question faisaient un peu l'impasse là-dessus.

[2] Cf. mon récent billet sur Flamanville.