Arrivé de Paris par avion, j'ai pu à 20:03 rallumer mon portable et avoir les premières estimations : triomphe de l'UMP qui, malgré une campagne indigente à mon humble avis, ne perd que 3 points par rapport au pourcentage obtenu en 2007 par Nicolas Sarkozy ; grand succès d'Europe-Écologie ; division fatale annoncée pour la "gauche de la gauche" ; claque pour le PS ; et pour le MoDem, y a pu d'mots.

Je suis peut-être à Pau, mais notre Président est resté à Bordères[1], et dans mon hôtel y a même pas la télé (en panne de réseau câblé fibre optique nouvelle génération). Je suis donc surtout en direct d'internet (qui arrive pourtant par le même câble).

AFFICHE. Celle de Daniel Cohn-Bendit et Eva Joly était la plus belle, la plus réussie, la plus expressive. Les mots et les bouilles - un programme qui claque en deux mots, Europe (judiciaire aussi, c'est l'éternel combat d'Eva Joly), Écologie (politique aussi, c'est la nature ou la culture de Daniel Cohn-Bendit). Je suis sûr que l'affiche joue un grand rôle pour fixer les images qu'on se fait des candidats, et les intentions, dans les derniers jours de campagne. L'affiche officielle de François Bayrou en 2007, signée par Jean-Marie Périer, était un chef d'oeuvre. Celles de Ségolène Royal et de Nicolas Sarkozy étaient antipathiques, et certainement voulues telles, mais elles ont joué leur rôle : ressouder l'électorat contre quelque danger menaçant ...

BIEN MÉRITÉ. Il y a parfois une morale en politique, parfois. Europe-Écologie a été, je crois, la première liste à se constituer. Elle a fait campagne, depuis des mois, inlassablement, devant des salles vides. Elle s'est remise en question au long de la crise, face aux questions des citoyens et des militants. Elle a porté, ou au moins on lui a attribué, un message simple, la priorité à donner à l'écologie. Ses 15 et quelques % ne sont vraiment pas volés.

BIFURCATIONS. La trajectoire d'une campagne est imprévisible. Les meilleurs plans se défont avant qu'on n'ait le temps d'en faire d'autres. François Bayrou avait, selon tous les commentateurs, "animé" la campagne avec un livre solide, argumenté, magnifiquement écrit, qui proposait et propose toujours un choix fondamental pour l'orientation politique du pays, et de l'Europe. Ça lui a valu un buzz dans le tout-Paris médiatique, les couvertures des magazines, une notoriété qui faisait des intentions MoDem dans les sondages. Et après ça, pfuit, le scénario est passé à autre chose, et on n'existait plus. Il s'est passé la même chose, en pire, entre fin mai et début juin 2007, après le lancement du MoDem.

DOUTES, je voudrais écrire la "journée des doutes". Je n'ai jamais autant été interpellé sur le MoDem et François Bayrou, que vendredi dernier, après la fameuse émission "A vous de juger" d'Arlette Chabot (que je n'avais pas vue -trop de boulot ces temps-ci pour regarder plus que le journal de Télématin). Interpellé surtout par les plus sympathisants, ou des militants - j'entendais dans leurs questions quelque chose comme "là, on ne peut plus y croire".

DÉMOCRATE. Cette semaine, c'était la tournée triomphale de Barack Obama dans l'Ancien Monde, et étrangement, nous autres démocrates, n'en avons pas bénéficié le moins du monde. Je suis d'accord avec tous les mots des discours de Barack Obama, je lui passe même le "Saint Coran" - après tout, je crois que les personnalités politiques françaises ne se gênent pas pour appeler le pape "Saint-Père" et le dalaï-lama "Sa Sainteté" ? Il est vrai que je me suis toujours demandé pourquoi. Il paraît que le leader d'un groupe extrémiste égyptien envisagerait une sorte de cessez-le-feu le temps de voir si par hasard, ça serait possible que l'Amérique ne soit pas l'ennemie des musulmans.

Quand je repense au torrent d'inepties que j'ai lues, entre novembre et janvier, jusque sur des blogs démocrates, présentant Obama comme un belliciste, un inconditionnel de la ligne dure sioniste, etc., et ses partisans européens comme un troupeau bêlant d'illuminés, ben… je me dis qu'il y a des démocrates qui gagneraient à sourcer leurs réflexions.

DÉMOCRATE SOURCÉE. J'ai une pensée particulière pour mon amie et camarade Marie-Anne Kraft dite Marianne. À ce que je lisais, dans l'avion, dans Libé, c'est elle qui aurait envoyé le fameux mail à François Bayrou, avec des photocopies du bouquin de Daniel Cohn-Bendit... lecture qui a apparemment envoyé notre leader dans le fossé. Je citais ici même il y a quelques semaines un éloge du mail, qui serait pour les grands de ce monde (Obama, les grands patrons...) le dernier et indispensable lien avec des vraies gens, avec la réalité. Mais les vraies gens, la réalité, n'ont pas de sens politique. Ils ne savent pas ce que les mots veulent dire une fois portés sur les plateaux de télé. Décidément, pour faire de la politique, il faut de l'expérience.

EXPÉRIENCE. Pour le peu que j'en ai vu, n'y ayant guère participé, la campagne du MoDem a été pilotée, le programme écrit, la communication conçue ou validée, par des gens d'expérience venant de l'UDF - un écho presse estimait que les "écolos du MoDem" avaient été tenus à part. Jean-François Kahn fait certainement exception, mais il a fait sa propre campagne sans guère de répercussion nationale, à ce qu'il m'a semblé. Nos têtes de liste avaient une moyenne d'âge élevée, les nouveaux noms étaient ceux de vieux amis fidèles. Exactement comme pour les listes Europe-écologie. Qu'en dire ?

EUROPE. Si j'en crois le direct de 20 minutes, la droite progresse un peu partout. Le parti démocrate européen n'est pas encore une réalité sociale, électorale. Même si nos alliés libéraux-démocrates progressent au Royaume-Uni ou aux Pays-Bas.

AU BOULOT. Tout est à inventer, encore et encore. Le Nouveau Monde nous ouvre la voie. Courage !


COUPABLE (Post-scriptum, 21:36). Les victoires ont de grandes familles, les défaites sont orphelines ! Eh bien, je ne suis certainement pas responsable de cette nouvelle dérouillée pour notre Mouvement. Je ne peux pas prétendre avoir fait quoi que ce soit de concret dans cette campagne sauf un ou deux articles sur France démocrate. Je fais juste partie des gens qui écrivent des mails à François Bayrou - et il lit les mails qu'on lui envoie (dans la limite, certainement, des 24 heures de la journée). Je fais juste partie des gens qui n'ont pas trouvé le mot juste, l'image parlante, le geste qu'il aurait fallu. Moi aussi j'ai vu passer l'argumentaire anti-Bayrou de l'UMPS-EE, moi aussi je me suis dit "zut et flûte, ils ont trouvé l'angle de tir qui va porter dans l'opinion", et moi aussi je suis resté les bras ballants et le clavier muet, ou hors sujet. Je fais partie de ces conseilleurs qui ne sont pas les payeurs, et qui trouveraient volontiers séant de faire porter le chapeau à ceux qui sont sous les sunlights. Vous savez - le "je vous l'avais bien dit".

Entre ceux qui n'ont pas trouvé le temps de faire campagne (dont moi-même), ceux qui n'ont pas cherché ou pas trouvé comment elle pouvait se faire (dont moi-même), ceux qui ont passé ces semaines à bêler Europe comme des cabris, à se placer pour bénéficier des retombées du succès annoncé, voire pire à roqueter en partisans inconditionnels, on est combien de militants démocrates à ne pas être responsables, mais à être tout de même un peu coupables ?

Alors : un salut admiratif à mes camarades d'Argenteuil et du Val d'Oise qui, eux, ont fait campagne sans se lasser, de tracts en cafés et en affiches, sur leurs convictions et non sur des consignes, sur leur conviction que la vie politique française (et argenteuillaise) a toujours, a plus que jamais besoin d'être transformée. Eux sont responsables, un peu, des suffrages que nos candidats ont, après tout, obtenus.

Notes

[1] Croyais-je en écrivant ce billet. Il était remonté à Paris, en fait.