Depuis mardi, pas de ramassage de poubelles dans ma rue… ni ailleurs : les éboueurs sont en grève[1].

J'ai entendu plusieurs rumeurs sur les raisons de cette grève - l'une parlait de "travail du dimanche", mais depuis quand ramasse-t-on les ordures ménagères le dimanche ? "Leurs revendications ont pas mal évolué", disait dans Le Parisien la Directrice générale des services de l'Agglomération.

Je me suis rendu cet après-midi sur place (à côté de la déchetterie) pour leur poser la question.

Premier constat : on a déjà vu des lieux de travail plus accueillants.

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Les grévistes eux-mêmes m'ont très bien accueilli. Ils ont insisté en choeur sur leur refus de toute récupération politique : leur grève est uniquement liée à leurs revendications, justement.

La première de celles-ci serait "une prime de pénibilité d'au moins 50 € nets", qui se justifieraient par la croissance de la population, et l'extension de leur périmètre à Bezons. Des embauches ont certes été réalisées, mais Bezons est désormais "ramassée" par 3 camions, contre 4 avec la société privée qui assurait auparavant ce service[2].

La deuxième est liée aux astreintes. Jusqu'ici, elles n'étaient apparemment pas organisées : si un agent manquait, la Direction cherchait par téléphone un remplaçant parmi les absents en congé ou en week-end. Chacun pouvait donc être sollicité à tout moment - et en particulier en pleine nuit puisque le service commence à 4 heures du matin. La journée alors effectuée en plus était récupérée un autre jour, sans rémunération spéciale. Les agents ont demandé que les astreintes soient désormais organisées, sur la base d'un camion (1 chauffeur et 2 rippeurs d'astreinte, le reste du personnel étant donc pleinement libéré). Le direction aurait proposé de rémunérer l'astreinte 75 à 150 euros bruts (par semaine ?). Les agents que j'ai rencontrés jugent cette proposition insuffisante et demandent une rémunération sur la base d'une journée entière.

Là, je n'ai pas tout compris, car l'enjeu est lié à l'organisation en « fini-parti » : les éboueurs arrivent à faire leur journée de travail en à peu près 4 heures seulement de tournée, le matin. Ils m'indiquent qu'un audit commandé sous la mandature Mothron aurait prouvé leur efficacité[3]. Qu'ils aillent si vite… évite que les rues soient encombrées toute la matinée. Mais pour y arriver, ils doivent sans doute prendre quelques libertés avec les règles : ramasser des deux côtés des boulevards en même temps (donc traverser avec les poubelles), soulever eux-mêmes les poubelles pour les vider dans la benne (au lieu des les accrocher réglementairement à l'élévateur pour que la machine les soulève, les vide et les repose[4])…

Une alternative serait, selon l'un des agents que j'ai rencontrés, de "passer aux horaires" comme la quasi-totalité, dit-il, des éboueurs de France : respecter le règlement, et faire des journées normales, aux dépens sans doute de la qualité du service… La durée de cette journée de travail imposerait une pause déjeuner - alors que les éboueurs ne reçoivent pas de tickets restaurant.

Au passage, ils observent laver eux-mêmes leurs tenues de travail à la maison sans toucher pour cela de prime particulière, alors que dans beaucoup de métiers similaires, le nettoyage est effectué par des sociétés spécialisées, sans doute avec une meilleure garantie d'hygiène et de propreté.

Pendant que je suis là bas, ils reçoivent un appel téléphonique : "5 camions tournent en ville", l'Agglomération aurait donc demandé à une société privée de ramasser les ordures qui s'entassent. Les agents se rassemblent aussitôt pour décider d'une riposte - bloquer les camions privés ? Et le barrage, sur la photo, est déserté.

Même si cette grève est totalement "non politique", peut-être les grévistes espèrent-ils que l'approche des élections du 20 mars incitera la Mairie d'Argenteuil à céder à leurs revendications ? Mais elle peut aussi inciter à les court-circuiter en appelant un prestataire privé à l'aide !

Il me semblerait logique que l'astreinte soit organisée et rémunérée. Dans quelles conditions ? La convention collective n'est pas d'une grande aide : d'une part, j'imagine qu'elle ne s'applique qu'au secteur privé ; d'autre part, pour ce qui est dit sur l'astreinte, "les activités de collecte de déchets ménagers… sont exclues, sauf accord d'entreprise". Il semble donc bien qu'il faille chercher un terrain d'entente entre Direction et salariés, une rémunération cohérente avec le service effectivement rendu par les salariés d'astreinte.

Quant au recours à un prestataire extérieur pour enlever les ordures qui s'accumuleraient pendant la grève, cela me semble être le droit et même le devoir de l'autorité publique.

Pour pouvoir prendre et communiquer une proposition du MoDem et de ses candidats pour sortir de cette crise, nous allons maintenant demander l'autre point de vue, celui de l'Agglomération, commanditaire du service.

Notes

[1] Le site de la Ville dit simplement en Une que "Suite à un mouvement de grève des agents de la propreté de l'Agglomération Argenteuil-Bezons, des perturbations sont à prévoir quant au ramassage des ordures ménagères sur Argenteuil. Merci de votre compréhension." Le site de l'Agglomération est inutilisable : quand on se connecte, il lance une longue vidéo de pub.

[2] Le service a été confié à l'agglomération alors qu'il relevait auparavant des communes. Les Argenteuillais se souviennent avoir payé double, en 2008, l'enlèvement des ordures : à la commune et à l'agglomération. Le Maire disait être contraint à cette situation par injonction préfectorale : il n'était pas autorisé à revenir sur les recettes 2008 votées. Le MoDem avait donc demandé que le trop-payé soit restitué aux contribuables l'année suivante, par une réduction correspondante des impôts. Nous l'attendons encore.

[3] Avec cependant un défaut : le taux de "défauts" dans les déchets propres et secs, autrement dit : certains habitants mettent dans les "poubelles bleues" autre chose que les cartons, magazines ou plastiques durs auxquels elles sont destinées

[4] Voir ce témoignage à Bordeaux en 2002