Jean Peyrelevade est traité de "néolibéral" par Jean-Pierre Chevènement et répond vivement :

Non, je n’ai jamais plaidé pour la libération totale des mouvements de capitaux ni pour la dérégulation bancaire : tous mes écrits vont à l’exact opposé (…)

Oui, je suis fier d’avoir été l’un des artisans du tournant de la rigueur de 1982/1983 et me suis battu avec toute l’énergie dont j’étais capable contre l’« autre politique », celle de sortie du SME et de dévaluation continue du franc. (…)

La (question) est de savoir quel degré de discipline budgétaire et monétaire il convient de maintenir pour gouverner utilement un pays. Là, aucune discussion n’est à mes yeux possible : les dirigeants sont coupables qui poussent à consommer et investir plus que ce que l’on produit.

On voit bien où est l’artifice. Les défenseurs du maintien des équilibres économiques fondamentaux, auxquels j’appartiens, sont rendus automatiquement coupables d’une dérive néolibérale, ce qui sert à les discréditer en même temps que les politiques de rigueur qu’ils défendent. Soit la confusion est volontaire de la part de Jean-Pierre Chevènement, et elle est intellectuellement malhonnête, soit elle est inconsciente et le mal est encore plus profond.

Car je pourrais aisément renvoyer l’image à son expéditeur. (…) Aujourd’hui comme en 1983, les partisans de la non-intégration et des protections aux frontières sont les mêmes qui n’ont cessé de plaider pour le laxisme le plus mortifère en matière de politique économique : vive l’inflation, les hausses de salaires, l’endettement, le déficit budgétaire et la dévaluation.

Laxisme interne et fermeture externe sont-ils comme les deux faces d’une même monnaie ? Jean-Pierre Chevènement est lui-même l’incarnation la plus éminente de ce curieux alliage, qu’alimentent aujourd’hui Jean-Luc Mélenchon, Arnaud Montebourg et quelques autres. Du CERES des années 60 au Mouvement des Citoyens actuel, sa continuité de pensée est admirable. Le coup de menton souverainiste dissimule la carence de la réflexion économique qui n’a jamais dépassé un keynésianisme primaire et mal assimilé.

Ceci dit, je suis en désaccord avec l'argumentation de Jean Peyrelevade sur l'affaire de la dette grecque.

À moi de caricaturer, sans doute : Jean Peyrelevade dit qu'il faut (encore et encore) ruser avec la dette grecque. Créer par une taxe sur les banques un "fonds de solidarité" qui permettra… de rembourser aux banques la dette grecque, de façon à… éviter de dire que la Grèce ne rembourse pas. Et ainsi, d'éviter que les marchés ne se retournent contre le Portugal, l'Espagne, l'Irlande, l'Italie et nous.

Bref, faire payer les banques prudentes pour rembourser les imprudentes.

Il me semble que quand on dit cela sur Europe 1, quand on propose une ruse cousue de fil blanc aussi gros, on dit que les rois sont nus, et archi-nus.

Bien sûr, il faut que les États en faillite, parmi ceux qui utilisent l'euro, l'admettent tous en même temps. Au moins, ça sera digne de confiance. Et la confiance est ce dont "les marchés" ont le plus besoin.

Selon Jean Peyrelevade, le risque "si les dirigeants n'arrivent pas à s'entendre pour dire au monde financier qu'on assurera les remboursements" de la Grèce, c'est qu'il n'y ait plus de crédit pour les Etats européens, ni pour nous autres simples citoyens.

Qu'il n'y ait plus de crédit pour nous autres, je n'y crois pas. Au contraire, ne pouvant plus prêter aux États, les détenteurs de fonds (et il y en a) chercheront d'autres emprunteurs. La faillite de Lehman Brothers a fait fondre les taux d'intérêt, la faillite des États ne les fera pas forcément remonter.

Qu'il n'y ait plus de crédit pour les États, c'est dans la nature des choses puisqu'ils sont surendettés. C'est bien malheureux, peut-être, mais si ça peut consoler de pendre haut et court les responsables… nous ne serons pas au bout de la corde, et, sans doute, Jean Peyrelevade non plus ;-)

Les finances publiques peuvent-elles se débrouiller si leur perfusion est coupée ? Je crois que oui. Est-ce possible sans baisser les salaires ? Je crois que oui.

Mais pour ça, ne comptez pas sur la gauche ou la droite.