Un autre dialogue sur Facebook, sur un sujet plus bénin que les horreurs en Syrie : l'expérience du Mouvement Démocrate. Et pourquoi, pas plus que la dizaine de partis qui ont essayé depuis trente ans, il n'a réussi à briser l'étau de la bipolarisation PS-RPR/UMP.
Interlocuteur : — À part dire que le feu à besoin de l'eau pour s'éteindre, que propose le MoDem pour ce qui préoccupe les Français ? Comme la mainmise de Bruxelles sur leur vie (et que ni la droite, ni la gauche ne semblent avoir les... le courage d'affronter), une alternative précise et concrète autre que le FN ou le Front de Gauche (étant donné que sont qualifiés d'extrémistes tous ceux qui y adhèrent), etc..
Cela fait des années que le MoDem clame, tel le parti érotomano-électoral qu'il est, qu'il faut des solutions alternatives, sans jamais les énoncer clairement aux Français (si ce n'est cette éternelle réponse: "venez donc à nos ateliers, à nos travaux, à nos meetings", alors que c'est à lui de venir vers le peuple et non l'inverse. (…)
Monsieur Lassalle a beau aller au "devant des Français comme aucun homme politique ne le fait"[1], visiblement ça n'est pas assez, vu la popularité dont jouit le MoDem ou l'UDI et le Centre en général.
On peut me reprocher mon cynisme ou mon manque de reconnaissance (ou de connaissance tout simplement) envers les actions menées, il n'empêche que ça n'est pas à moi (citoyen votant) de me remettre en question lorsque j'évoque la TOTALE INCAPACITE DU CENTRE à faire entendre, comprendre, et encore moins ADOPTER sa voix au peuple.
Avec tout le respect que j'ai pour les militants et leurs élus/représentants... (…)
(J'espère) que (vous, MoDem, travaillerez) davantage sur votre communication et surtout votre impact électoral sur la France.
Car malheureusement, le fond du Centre est bon, la forme est défaillante depuis plus de 30 ans, le centre n'étant même plus l'alternative naturelle des électeurs déçus de la gauche et la droite auto-proclamées "républicaines"...
FrédéricLN : — Finalement, ce que vous nous reprochez, c'est de ne PAS être un "parti érotomano-électoral" ?
— Justement si cher ami. Ce que je reproche, c'est de penser qu'ils ont un poids (ce qui devrait être le cas, encore une fois j'adhère à énormément d'idées du MoDem) alors que ni le peuple (dans sa majorité) ni les principaux partis ne songent plus au centre lorsque les dés doivent être relancés.
L'érotomanie étant ce merveilleux syndrome qui consiste à être persuadé d'être aimé de la cible, alors que la cible n'en a cure la plupart du temps.
— Là dessus, je vous rassure, nous sommes parfaitement conscients du peu de poids que le vote, dans les institutions françaises en tout cas, accorde au centre. François Bayrou l'a encore dit hier[2]. Et si les Français souhaitaient "à la folie" nous voir élus, je m'en serais rendu compte à chacune de mes campagnes. Mais que voulez-vous, je n'arrive pas à changer de convictions… je n'essaye même pas, en fait.
— Je ne sais pas s'il s'agit de changer de convictions, mais ce qui est certain c'est que vos méthodes de communications sont :
1) Dépassées> même si heureusement vous ne sombrez pas au même niveau que la gauche
2) Normales > si le peuple voulait des élus normaux, il aurait voté POUR Hollande et non CONTRE Sarkozy.
3) D'une absence presque totale > connaissant quelques jeunes journalistes, ils me rapportent que trop peu souvent ils ont la chance d'avoir à faire aux attachées de presse du centre.
Changer de mode de communication n'est pas changer de convictions. Même si, parfois je l'admets, la frontière est mince.
Sarkozy a un discours de droite conservatrice depuis 2002, et a au contraire appliqué sa politique ultra-libérale.
Hollande a un discours centriste, et il applique la politique du pansement que l'on change au fur et à mesure des effluves de sang.
Si le MoDem faisait naître au moins 5 grands leaders au sein du parti (la ménagère et son mari ne connaissent que monsieur Bayrou), qui tiennent un discours respectant le même fil conducteur, tout en ayant leur propres nuances, avec une présence plus marquée dans les médias plutôt que dans les villes (les villes, se sont lors des campagnes qu'on les parcours, le reste de l'année le peuple est hypnotisé par sa télévision), alors le MoDem irait mieux. Je pense.
Évidemment, mon argumentation ne sera pas la plus développée possible, n'étant que sur facebook. Et veuillez pardonner mon côté clinique vis à vis des électeurs, la faute au métier de publicitaire que j'exerce.
— Merci pour ces conseils (j'en prodigue moi-même dans mon métier, qui n'est pas la publicité).
Je suis à la fois d'accord — j'ai été horrifié par certains tracts nationaux du MoDem, sur la forme — et pas d'accord : quelle entreprise ou association de moins de 1 million d'€ de CA a une communication aussi performante que celle du MoDem ? Un "annonceur" qui peut imaginer investir en communication, personnel et coûts médias / internet compris, de l'ordre de 200 ou 300 k€ par an.
C'est l'étrangeté de la politique : on veut remettre en état de marche le pays, l'Europe, plus encore, mais pour convaincre — condition nécessaire — des dizaines de millions de personnes, on n'a guère que sa conviction personnelle, son bâton de marche, et l'accueil occasionnel des émissions politiques.
En zoomant sur le cas que je connais le mieux, celui de mon groupe local, nous envoyons régulièrement des communiqués de presse, assez bien faits je pense, sommes présents sur les "réseaux sociaux" etc., saisissons l'occasion de chaque campagne électorale pour afficher et tracter, avec un gros investissement dans la forme et le fond. Résultat : succès d'estime, approbations nombreuses, impact média généralement minime, votes très minimes.
Je suis conscient de réinventer, en écrivant ça, une eau froide et bien croupie (la biographie de François Bayrou est pleine d'épisodes croquignolets, genre le meeting avec 24 ministres et célébrités, et 23 personnes dans le public). Quand j'étais conseiller à la campagne 2007 j'ai essayé pas mal de choses, dont certaines ont marché, d'autres non. Mais je me suis retrouvé, début mars 2007, face à une impasse : contre le "Ministère de l'Immigration et de l'Identité Nationale", nous sommes presque désarmés. (je le raconte un peu ici, dans la 2ème partie de ce long billet, la 1ère partie parle de la Grande-Bretagne).
Donc, PLUS de conseils seront certainement bienvenus !
— Evidemment, il est plus facile pour moi de commenter de l'extérieur, tel un journaliste éditorialiste chroniqueur mondain Tartuffe de service. Vos exemples cités adoucissent tout à coup mon jugement.
— merci, mais… nous avons vraiment besoin de conseils pour communiquer (notamment). Le politique a tendance à être centré sur ses valeurs, traditions, principes, discours traditionnels, et inquiet des manoeuvres, complots, jeux de forces, qui le menacent et qu'il cherche à deviner. Dans cette situation, il a beaucoup de mal (beaucoup plus qu'un annonceur commercial) à écouter les gens, le public, l'électeur et à lui parler directement, par-delà l'écran des journalistes.
Pour le coup, c'est un talent que Nicolas Sarkozy avait, et a certainement toujours.
Et c'est pourquoi j'approuve, encourage, me réjouis, m'associe par la pensée et les tweets… à la Marche de Jean Lassalle !
— Être bon en communication, en réalité, ça n'est pas être le premier arrivé sur le débat à la mode. Et encore moins une question de moyens financiers (enfin, pas totalement). Il faut CREER le sujet, CREER le besoin.
Revoir les bases marketing (le mot est fort et certes un peu indécent) qui font que la cible sera sensible. Les besoins d'estime de soi et d'appartenance sont les plus sollicités lors des élections, que les besoins primaires et d'accomplissement.
Quand le MoDem inventera une polémique (Identité Nationale pour l'UMP, les 75% le PS, la fermeture des frontières au FN, le bras de fer avec les banques au Front de Gauche), eh bien le MoDem sera entendu.
Cela ne remet pas en cause les convictions. Cela attire l'attention du peuple. Bien plus que des idées raisonnables qui, malheureusement, sont les moins écoutées.
— Assez d'accord. Lancer une polémique donne de la visibilité, de l'écoute et parfois de la mobilisation, si le sujet concerne les gens, "réveille" un désir, une attente. Et c'est tout à fait dans le registre du centre démocrate, dès lors que les réponses proposées sont plus "raisonnables" que l'état actuel des choses. Un exemple réussi était http://www.acrimed.org/article2435.html. Merci pour ce rappel !
L'Identité Nationale était une baliverne. Le seul intérêt de N.Sarkozy étant de déployer une puissance de baliverne peu commune.
Les 75% , la fermeture des frontières et le bras de fer avec les banques sont aussi des balivernes.
Si le point fort du Modem, c'était précisément la lutte contre les balivernes? (alternative: on déclare les balivernes brevetables, on les exporte avec leurs promoteurs, et on en interdit la consommation sur le sol national).
Un point de vue un peu connexe de Patrick Artus, mais j'ignore s'il est proche du Modem:
http://www.lepoint.fr/invites-du-po...
Hello,
passionnant ce petit dialogue, et pas que pour le modem
si je peux me permettre un petit conseil, je crois qu'il y a beaucoup à apprendre de George Marchais
de sa parodie par Thierry Le Luron certes
http://www.youtube.com/watch?v=8LVR...
mais aussi de George Marchais lui-même
http://www.youtube.com/watch?v=f87P...
On n'est (pas du tout) obligé d'avoir les mêmes idées que lui, mais George Marchais avait au moins compris un truc simple car génial :
- il avait des idées
- il avait besoin de les exposer
- les formats audiovisuels et les journalistes l'empêchaient de le faire de manière un minimum correcte
- et bien qu'à cela ne tienne, lui a mis toute sa rage à *empêcher le PAF* de *l'empêcher lui* d'exposer *ses* idées
Je pense que tous ceux qui "osent penser" (comme disait Kant) en dehors du cadre autorisé par les contraintes audiovisuelles devraient sérieusement s'inspirer de Georges Marchais.
Merci pour ces commentaires ; effectivement le point fort commun de Nicolas Sarkozy et de Georges Marchais était/est la puissance balivernique.
Mais l'alternative "penser seul et ignoré" ou "baliverner pour des foules de téléspectateurs" me semble aussi fausse que "faire son petit footing peinard" ou "gagner dopé".
Les champions qui font progresser le sport sont ceux qui gagnent à la seule force du talent et de l'entraînement (spéciale dédicace à Stéphane Diagana !). Quel est leur équivalent, pour ce qui est des mouvements politiques ?…
Hello,
je ne crois pas que les cas de Marchais et Sarkozy soient similaires du tout.
Sur le fond peut-être, en ceci que les "solutions" proposées sont des foutaises qui ne marchent pas.
Mais moi, comme je le précisais, je m'intéressais ici à la forme.
- Sarkozy a tout fait pour être le meilleur client des médias tels qu'ils sont. C'est à dire qu'il est effectivement capable de résumer sa "pensée" dans les 40 ou 80 secondes imposés par les télévisions (sachant que sur internet c'est pas toujours mieux. 140 caractères sur twitter...)
- Marchais a certes fini par être un bon client. Mais ce n'était pas du tout son but initial. Lui il avait des idées (inappliquables mais encore une fois on s'en fout ici) mais qui ne passaient pas du tout en 40 et 80 secondes. Donc ce qu'il a fait, je le répète, c'est de mettre toute sa rage à empêcher le PAF de l'enfermer dans des formats audiovisuels qui l'empêchaient lui d'exposer ses idées, non résumables sérieusement en 40 ou 80 secondes. (Non, le Capital de Marx, ou même le Manifeste du Parti Communiste de 1848, ça ne se résume pas en 80 secondes).
Donc c'est ça qu'on peut et qu'on devrait retenir de Marchais : le refus résolu de se conformer aux formats audiovisuels imbéciles.
Après, contester les médias n'est pas un but en soi hein ? Quand on a par hasard réussi à obtenir 5 minutes des médias pour exposer ses idées, vu que c'est rare, il faut absolument les rentabiliser au maximum pour passer au mieux ce qui peut être passé. Quand on a 5 minutes devant soi, il n'y a plus que trois chosses qui comptent : le fond, le fond et le fond.