Jean-François Kahn, dont j'approuve 99% des idées (ce qui fait beaucoup ), écrit sur son blog : "À propos du centrisme, vers un coup de tonnerre britannique ?" :
… Un tiers parti, porteur d’une troisième voie, … pourrait mettre tout le monde d’accord, les libéraux démocrates (LibDem) de Nick Clegg.
Si ces prédictions, encore fragiles, se réalisent, François Bayrou aussi bien qu’Hervé Morin ou autre Jean-Louis Borloo en tireront argument et les médias parleront d’un succès « centriste ». Ils auront tort.
Certes, le parti libéral démocrate anglais est, ..., d’une certaine manière, au centre. Mais, … Le discours des « LibDem » … ne se situe pas « au milieu » (… En France, il apparaîtrait plus à droite que l’UMP sur certains sujets et plus à gauche que le PS sur d’autres). … Radicalement original, (il) a conféré à ce tiers parti une authentique identité. … Les choix qui s’imposent ne se situent quasiment jamais au milieu. Entre deux erreurs, le milieu ne peut être qu’une synthèse d’erreur. …
A cet égard, je reconnais que j’ai commis une erreur de communication ou de formulation. Pour dépasser une bipolarité asphyxiante tout en rejetant l’idéologie de l’entre-deux, j’ai développé le concept de « centrisme révolutionnaire » qui, pris au pied de la lettre, correspond effectivement à ma ligne de réflexion : pour faire simple, refus de la centralité de l’Etat bureaucratique, ce Léviathan ; refus de la centralité de l’argent dont l’arme fatale, le profit, vitrifie toutes les potentialités et nécessité de recomposer, de façon forcément révolutionnaire, notre mode de société, autour d’une autre centralité, celle de l’humain conçue comme synthèse de l’individu et du collectif.
Or, quand je m’explique hors de France, cela est entendu. Compris. En France, compte tenu d’un apriorisme (et d’un simplisme) médiatique finalement insurmontable, l’expression est comprise comme un oxymore : centrisme mou du juste milieu et de l’entre-deux d’un côté, appel au soulèvement armé et à l’érection de barricades de l’autre.
Je suis donc placé devant l’obligation de redéfinir ce sur quoi il convient de fonder une alternative. Heureux les Anglais qui n’ont pas ce problème.
Tout à fait d'accord : "centre" ne signifie rien pour 99,9% gens sinon "mou" (et pourtant ... bon, je sors). Et "centrisme révolutionnaire" est perçu comme un oxymore, ou plus couramment, une vanne.
Le mot "centre" a l'avantage de nous positionner clairement comme : différents de la droite et de la gauche au moins dans leur état actuel en France ; relativement proches de beaucoup de familles politiques, c'est-à-dire disposés à travailler ensemble ; mais rejetant l'extrémisme, qui est la traduction en politique partisane de l'irresponsabilité.
Mais il ne fera voter pratiquement personne pour nous. C'est une position purement défensive.
Jean-François Kahn évoque "l’obligation de redéfinir ce sur quoi il convient de fonder une alternative".
Nous ne manquons pourtant pas de définitions, et elles nous sont propres : démocrates, humanistes, sociaux, voire libéraux (mais ce dernier terme est piégé - ce n'est pas au sens des libéraux français qui se sont faits au contraire les défenseurs d'oligopoles capitalistes) … nous sommes les spécialistes historiques de l'intérêt général, de la bonne gestion, du long terme,… nos militants comme nos élus s'accrochent à la responsabilité, à la vérité, à la solidarité … aux Français sur l'état du pays … nous sommes historiquement le parti des "corps intermédiaires" (entreprises, associations, collectivités locales) et de la construction européenne … et j'en passe.
Mais cette conception de la politique ne passe pas en France.
L'opinion semble convaincue que ces valeurs sont également partagées dans tout le champ politique ; les gouvernements un par un les bafouent et vendent la France à la découpe. Ces valeurs de base, les valeurs humaines, les valeurs démocrates, sont masquées par la figure omniprésente de la République, de l'Etat, dont "l'intérêt supérieur" efface tout le reste et jusqu'au bon sens, l'Etat dont le "sens" conduit des milliers de décideurs à multiplier, toujours plus vite, les décisions absurdes, contradictoires et impuissantes.
Si bien que nous en arrivons à dire : ce sont les valeurs essentielles de la République, son identité même, que nous voulons (tenter de) sauver. La liberté, l'égalité, la fraternité. L'indépendance et la capacité d'action de la France, comme société, comme collectivité humaine.
Et nous l'admettons publiquement : ce sera dur. Il y a des décennies de gabegie à rattraper. Il faudra toutes les bonnes volontés. De droite et de gauche aussi - eh oui (car il y en a des douzaines, de politiciens désolés de voir où leurs partis, où "le système" en place conduisent le pays).
Après quoi … on en est toujours au même point : ce discours n'est pas entendu, ou il est jugé fada, hors de propos, hors sujet.
Les gens se rendent parfaitement compte que les affaires publiques, au niveau national et européen, sont gérées n'importe comment. Mais ils en ont pris leur parti. Chacun se débrouille, localement, de cette incurie nationale. Ceux qui "believe in change" sont classés doux rêveurs.
Donc, je suis d'accord avec Jean-François Kahn : il faut "redéfinir", en mots et en personnes, redéfinir l'alternative jusqu'à ce qu'elle soit jugée consistante, cohérente, crédible.
Je suis aussi d'accord avec JFK que j'apprécie dans ses raisonnements. Il est respecté par ses pairs et par une majorité de penseurs.
Il reste toutefois prudent lorsqu'il parle des financiers, qui finalement viennent de démontrer qu'ils conduisent le monde, après avoir sucé les aides d'états pour rebondir après 2008.(CAC 40 remontant de 2600 à 4000 points en un an)
Les financiers ont été inventeur et victimes des modélisations informatiques.Nous allons retomber dedans.
Le rêve d'un de mes collègue ingénieur en 1985 était de pouvoir tout contrôler avec les ordinateurs naissant de cette époque (pc 286 et 386, quelle puissance !). Comme dans le principe de Peter (que vous pouvez toujours trouver chez hachette) , à l'aide du calcul de ces machines, il s'apprêtait à pouvoir faire décoller un homme sous un nuage de papillons attachés chacun à une ficelle, tout comme il souhaitait épier l'avancement du travail de chacun. Et ainsi,selon lui, il aurait été le maître local grace à l'ordinateur.
Après cette envolée poétique, je veux dire par comparaison que les personnalités politiques sont toutes dépendantes des puissances de l'argent et de ceux qui le détiennent. Ils peuvent le détenir en toute propriété ou en location. Donc, faut-il encore parler de politique ?
Question : que peuvent faire les meilleurs philosophes reconnus et les meilleurs politiques contre la cupidité parfois meurtrière ? Y-a-t-il une solution sans affrontements sanglants ?
Cette troisième voie est-elle explicable ? Entre les gens qui partagent et ceux qui ne partagent pas ?
Bonjour, votre argumentation est intéressante et bienvenue. Elle est extrêmement répandue sur certains forums. Si je la résume : "ce que disent les politiques, c'est rien que du bidon, parce que ce sont les financiers qui décident en vrai".
Elle mériterait un billet spécial. Je le mets à l'ordre du jour ! Même s'il y a déjà de très nombreux articles sur le sujet sur ce blog.
Je suis en tout cas d'accord sur un point : le politique élu n'est pas tout-puissant (et heureusement). Il est simplement le représentant du peuple dans un jeu de pouvoirs complexes (et variable d'un secteur d'activité à l'autre - l'éducation, le sport, la télé, la guerre...) qu'il doit prendre en compte. Et selon les cas affronter des rivaux, se faire des alliés, déléguer des missions, etc.