L'appel d'Eric Cantona à "vider les banques" fait le buzz. Je le trouve fabuleusement irresponsable - parce que si vraiment un retrait massif mettait les banques en faillite…, pffuit ! plus de salaires, plus de cartes bleues, plus de chèques, plus de retraits de liquide, on fait comment après, pour manger ?

Un billet de Jean Quatremer s'indigne que les banques, une fois sauvées par les Etats, poussent les Etats à la faillite.

Les banques européennes seraient responsables de la (quasi)mise en faillite des Etats,

  • non seulement selon quelques gauchistes (ou autres) selon qui les Etats devraient pouvoir emprunter gratuitement à leur propre Trésor…,
  • mais aussi selon quelques personnes bien informées et autres leaders d'opinion pour lesquels le sauvetage de la Grèce, de l'Irlande, du Portugal, de l'Espagne, de la Belgique, de la France et de l'Italie serait une simple affaire politique, une question de solidarité entre Européens.

Eric Cantona et Jean Quatremer se rejoignent sur un point : leur commune défiance envers les banques, envers le fonctionnement global du système bancaire. Et c'est une affaire importante : l'économie moderne repose massivement sur des intermédiaires (économiques, financiers, de communications), donc sur la confiance.

Or si certains - Kerviel, Goldman Sachs, l'Irlande, la Chine, les paradis fiscaux… - choisissent un comportement prédateur, exploitent la confiance des autres sans mériter eux-mêmes confiance, que se passe-t-il ?

Impossible de refonder le capitalisme sans refonder une société de confiance. Sans re-tisser des garanties entre citoyens, acteurs économiques, Etats.

Il faut une politique économique nouvelle, démocrate, pour recréer les conditions de la confiance. "C’est cette démocratie politique et sociale qui fera changer la France, qui construira le nouvel horizon européen"[1].

En revanche, les interprétations "politiques" de la crise financière, qui cherchent des manipulateurs derrière la chute des cours ou des intentions perverses derrière "le marché", sont des fausses pistes.

Pourquoi les Etats ont-ils emprunté, jusqu'ici, si bon marché (que les prêteurs soient des ménages qui achètent des bons du Trésor, des banques d'investissement, des grandes fortunes étrangères) ? Tout simplement parce que ces prêteurs étaient assez naïfs pour croire que les Etats, malgré leur dette pyramidale, auraient un jour moyen de les rembourser.

Pourquoi les Etats ont-ils pu continuer quelque temps à emprunter à bon marché, après la crise de 2008 ? Parce qu'il y avait pire qu'eux, géré de façon plus irresponsable encore, chez les banques d'investissement. Les prêteurs préféraient prêter aux Etats, que de placer leur argent sur des châteaux de cartes.

Pourquoi les mêmes Etats n'arrivent-ils plus à emprunter aux mêmes conditions ? Parce que les prêteurs ont, entre temps, trouvé mieux, et plus sûr, ou un peu moins fou. Ils achètent de l'immobilier parisien, ils prêtent leur argent aux consommateurs (à 3%, ce qui prouve qu'il y a de l'offre d'argent), ils construisent des usines au Maroc ou en Inde, ils achètent de la terre en Ethiopie ou en Argentine.

Et si vous aviez 10000 euros à placer, vous feriez quoi ? Vous en prendriez, vous, des bons du Trésor ?

Notes

[1] tiré du discours de François Bayrou : "Faire naître une société de confiance"