Avant le nième sommet européen de ce soir (et avant les n sommets suivants), un bon comparatif des Echos sur les solutions proposées par les candidats à la présidentielle.

Mon point de vue?

D'accord avec François Hollande sur le fait que l'accord du 21 juillet relevait du pipeau (même si je ne l'avais guère entendu à l'époque). Mais pas d'accord sur la solution proposée

L'Europe doit pouvoir disposer d'un fonds de stabilisation profond et puissant, simple et rapide dans son utilisation. C'est le seul moyen de décourager la spéculation et de redonner de la stabilité…

C'est un gag, car un "fonds profond et puissant" cela veut dire en clair énormément d'argent, et c'est exactement ce que nous n'avons pas, sinon, où serait la crise ?

Tout à fait d'accord avec François Bayrou (et avec le gouvernement allemand) sur la nécessité de chercher "une réponse systémique" plutôt que de faire les pompiers à chaque crise. Tout à fait d'accord aussi sur la nature de cette réponse : "un mécanisme qui garantisse la validité des titres et des engagements liés à la dette souveraine des Etats".

"Les marchés", les citoyens, les investisseurs, sont-ils demandeurs d'une "solution d'urgence" ? Après 4 ans d'urgence, ils voudraient plutôt, je crois, y voir clair à long terme. En particulier, les riches (Etats ou particuliers) ne pourront recommencer à prêter aux Etats en déficit, que s'ils sont suffisamment sûrs de revoir leur argent.

D'accord aussi avec François Bayrou sur le fait que le prétendu leadership franco-allemand (en réalité un bras de fer improductif) défait l'Europe au lieu de construire des réponses communes.

Mais a-t-on réellement les moyens de garantir à la fois la dette future et la dette passée ? Et si on ne garantit pas la dette passée, notamment les titres détenus par les banques, comment dispenser celles-ci de se faire renflouer par de nouveaux capitaux ? Ou, alternative sensée amha, de les nationaliser[1] ? Il va falloir choisir. Et à choisir, j'en reste à ma préférence de juin dernier : faire payer les détenteurs d'actifs (qui ont bénéficié d'une bulle délirante depuis 10 ans) plutôt que les citoyens et contribuables.

Eva Joly propose des mesures très intéressantes de régulation de la sphère financière, avec des principes sensés : "l'argent du contribuable ne doit en aucun cas servir à sauver les traders", "obliger toutes les institutions financières qui ouvrent un compte à une entreprise à capitaux majoritairement français de le déclarer au fisc".

Mais sur la sphère publique, c'est du pipeau intégral, ou plus exactement, c'est la course à l'abîme affublée du beau nom "d'audit". Pas de quoi inspirer la moindre confiance, ni aux investisseurs, ni aux simples citoyens. Et pour ce qui est d'assurer les fins de mois de la Grèce et consorts, le compte y est encore moins.

J'apprécie au moins l'honnêteté de "je ne chercherais pas un bouc émissaire dans l'Allemagne".

Or c'est justement contre l'Allemagne que Jean-Luc Mélenchon cherche une victoire virtuelle. Au point d'annoncer que la population française dépasserait "bientôt" celle de l'Allemagne ! Ô fada ! Même avec de plus en plus d'enfants en France et de moins en moins en Allemagne, ils resteraient plus nombreux que nous en 2050 et peut-être en 2100.

Alors, M. Mélenchon, si vos solutions marchent à la même échéance… on en reparle en 2100, voulez-vous ?

Allez, enfonçons le clou : M. Mélenchon propose de réessayer le pétard à inflation : "5 à 6 % d'inflation ! C'est tout à fait soutenable !", grâce bien sûr à la "hausse des salaires". Très bien ; et ils seraient payés par qui, ces salaires ? Avec quel argent, pour les salariés du public ? Et qui arriveraient à l'obtenir des entreprises privées ? Et sans hausse des salaires, à qui M. Mélenchon fait-il payer la crise ? Aux salariés ! sans parler des chômeurs et des retraités.

Et le même J.-L. Mélenchon reproche en boucle à F. Bayrou de proposer 2 points de TVA en plus (soit 1 gros point d'inflation). C'est l'hôpital qui se moque de la charité.

Marine Le Pen, comme Eva Joly, me semble pertinente sur le système bancaire[2] :

Je serais contre la recapitalisation des banques d'affaires et contre le sauvetage des Etats défaillants, car là aussi, c'est à fonds perdus. Comme nous sommes non-interventionnistes, nous attendrions que les banques fassent défaut et alors nous ouvririons une procédure de redressement judiciaire, l'Etat rachèterait la banque à la valeur du marché, proche de zéro, pour sauver les dépôts des Français.

En revanche, sa croisade anti-euro nous promet la misère. Marine Le Pen propose de remplacer le système monétaire européen "euro" par un système monétaire mondial "polymétallique" (or, argent, etc.) ! Les pays à mines d'or et autres métaux précieux (Russie, Afrique du Sud, Congo…) seraient les nouveaux rentiers mondiaux, et nos pays européens seraient les nouveaux pauvres !


En synthèse, la position la plus prometteuse me semble être celle de François Bayrou, en y intégrant les propositions de régulation du système bancaire d'Eva Joly, et de façon transitoire les nationalisations évoquées… par la "non-interventionniste" Marine Le Pen (mais que fait la gauche ???!!!).

Mais aucun des candidats ne me semble formuler de réponse à la hauteur de la montagne de dettes, accumulée par les gouvernements de gauche et de droite, de la France et de ses voisins gréco-latins. Difficile de donner tort à Guillaume Tabard quand il commente :

L’opinion est sceptique, inquiète… les fondements même de l’Europe sont en jeu. Un sondage Ifop dans "Le JDD" montrait ainsi que les Français étaient nettement plus nombreux à voir dans l’euro un « handicap » qu’un « atout ». Entre la résignation et l’indignation, la frontière est tenue. Et face à la bascule possible de l’opinion, Nicolas Sarkozy mais aussi tous les dirigeants politiques ont une lourde responsabilité.

J'espère que l'indignation face à ces 3 décennies d'irresponsabilité publique, l'emportera sur la résignation.

Notes

[1] La nomination d'administrateurs représentant l'Etat, réclamée par la gauche, est un gag : la seule banque qui en avait, nous rappelle BFM-TV, était… Dexia.

[2] Moyennant une belle contorsion : se dire "non-interventionniste" et prôner la nationalisation. Mais c'est le genre de paradoxes qu'une situation de crise peut imposer.