Au Burkina ou en régions dioula-phones, on les appelle les djinamori : ces experts en techniques occultes excellent dans l'art de multiplier par deux les paquets de billets de banque (jusqu'au jour, bien entendu, où leurs exploits vous ont tant impressionné, que vous leur confiez un gros paquet)
L'Union de la Gauche des années 70 s'était faite une spécialité de djinamoriser. L'alternance de 1981 a permis d'établir comment se payent les djinamori : en millions de chômeurs et en inflation à grande vitesse. La leçon a calmé, pour un temps, les ardeurs des faussaires.
Tout de même, dans les années 98-2000, le trio Strauss-Kahn / Aubry / Jospin a flirté avec le genre : mais c'est plutôt de l'art du bonneteau, que relevait le financement des 35 heures par… euh… par…, par rien en fait, sinon par les fameuses générations-suivantes.
Pour revenir au djinamorisme pur et dur, il fallait le culot épatant de Nicolas Sarkozy. Ses 68 milliards "rendus aux Français", puis son paquet fiscal "travailler plus" destiné aux héritiers et autres zaisés, l'ont démontré : le "plus c'est gros plus ça passe" reste, comme dans les années 70, une méthode gagnante. Quelles qu'aient pu être les paroles verbales de ses propres ministres, jusqu'au Premier d'entre eux.
Mais voici que 2012 approche, et que le djinamori fait école, parmi les ministres et ex-ministres les plus éminents.
M. de Villepin veut distribuer 850 euros par mois et par Français majeur, ce qui ferait 459 milliards (à peu près). Est-il attaqué pour cela ? Plutôt sur le fait qu'il a écarté, de sa distribution, les étrangers vivant en France.
M. Baroin veut imposer, aux entreprises qui distribuent des dividendes, de verser une prime de 1000 euros à chaque salarié.
Ah bon : les dispositifs pour partager les profits sont déjà multiples, entre la participation, l'intéressement, l'épargne salariale… Ils sont fiscalement avantagés, on parle sans cesse de les avantager encore plus, même si on tente de les rogner à chaque plan anti-niches fiscales. Cette idée de partager les profits, c'est le coeur du "gaullisme social".
Mais où est le problème ? Les salaires sont-ils plus faibles aujourd'hui dans les grandes entreprises bénéficiaires, que sur le reste du marché de l'emploi ? Je serais plutôt porté à croire le contraire !
Ce qui manque, ce sont des emplois en France. Et pour les salaires ? Chacun sait que quand les entreprises auront du mal à recruter, les salaires s'envoleront, comme cela a été le cas dans les BTP suite au dispositif "Robien".
Pour l'instant, les grandes entreprises françaises les plus profitables sont nombreuses à investir leurs bénéfices sur les "marchés émergents" et dans les pays à bas salaires.
Je vois deux stratégies possibles pour le gouvernement : soit essayer des les forcer à créer plus d'emplois en France (???), soit percevoir sur ces bénéfices un impôt qui permettra, soit de préserver l'emploi public, soit de favoriser l'emploi dans les PME, soit plus généralement, à créer un environnement économique plus favorable à l'emploi en France.
Mais prendre sur ces bénéfices pour les distribuer à des salariés qui sont souvent déjà les mieux protégés et les mieux payés, faire passer cela devant l'emploi ou la fiscalité, ça me semble assez irresponsable.
Sauf à se croire capable… de multiplier ensuite les billets ainsi récupérés.
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