Billet spécial pour les fans de Leonard Cohen !

Y compris ceux de ma génération, qui ne parlaient pas proprement anglais à 15 ans. Et qui ont découvert Cohen grâce aux magnifiques traductions de Graeme Allwright — jamais si grand qu'au service d'autrui.

Billet spécial pour les amoureux platoniques de "Suzanne",

pour les ex-ados fascinés par l' "Avalanche"

Une avalanche m'a emporté
Et recouvert mon âme
Quand je ne suis pas ce bossu que tu vois
Je dors sous la montagne

Joan Baez commente, dans le DVD reportage sur Cohen à l'île de Wight : on dit que les chansons ont besoin d'avoir un sens, mais les chansons de Leonard Cohen n'ont pas de sens. Elles parlent de l'intérieur, et ça suffit[1].

Billet spécial pour le comité d'organisation de l'hommage à Gabriel Péri, qui avait diffusé cette année le magnifique Chant des Partisans[2] : ce même DVD m'a fait découvrir une autre chanson d'Anna Marly, tragique et belle, que Cohen a repris en anglais et français sous le titre "The Partisan", et fait connaître, dans les années 60-70, avant qu'on ne la ré-oublie. Elle conviendrait très bien, je crois, à Gabriel Péri.

Les Allemands étaient chez moi
On m'a dit "résigne-toi"
Mais je n'ai pas pu

Billet spécial de remerciements au prêtre irlandais dont la vidéo virale me fait découvrir, après tout le monde, que le tube-que-tout-le-monde-a-dans-la-tête-depuis-des-années, "Hallelujah", est de Leonard Cohen.

Et qu'il était sorti en 1984, totalement inaperçu, en tout cas de moi, sur le même 45 tours que "Dance me to the end of love", qui avait fait un petit hit. (Graeme Allwright l'avait aussitôt traduit, mais ce n'était plus la mode d'écouter l'anglais en français ; et puis, "Danse-moi vers la fin d'l'amour", ça l'faisait pas. Peut-être Allwright n'avait-il pas saisi que la chanson parle de l'Holocauste. Moi non plus).

Billet spécial de compliments à celles et ceux qui le savaient : "Hallelujah" est connu par la version de Jeff Buckley. Qui elle-même n'a fait un tabac que bien après la mort de Buckley. Lequel avait repris les paroles de la version de John Cale, sur le CD d'hommage à Cohen "I'm your fan". Cale (merci wikipedia) avait demandé les paroles à Cohen : celui-ci lui a envoyé un fax de 15 pages et 80 couplets. Cale a choisi les plus percutants. Cette version, dit wikipedia, a si bien convaincu, que Cohen lui-même a repris les paroles de Cale/Buckley.

Il faut du temps à certains classiques pour le devenir.

Billet spécial de remerciements à la médiathèque d'Argenteuil. J'avais emprunté il y a quelques semaines "I'm your fan", j'ai sous les yeux le livret, avec les quatre couplets de "Hallelujah". Et si vous écoutez le disque — surprise, ce ne sont pas les mêmes ! Cale chante en fait les cinq couplets de cette version-là[3]. Le documentaliste a bossé de travers — les paroles de la pochette, ce sont ceux de la toute première version 45 tours de Cohen, en 1984. "Hallelujah" était en face A, "Dance me to the end of love" en face B.

Il y a dans cette hommage une chanson en français — "Avalanche IV" par Jean-Louis Murat. Interprétation superbe. Je me suis demandé tout de même, à lire les "paroles françaises, Jean-Louis Murat", si le documentaliste avait foiré.

J'ai été pris dans l'avalanche
j'y ai perdu mon âme
quand je ne suis plus ce monstre qui te fascine
je vis sous l'or des collines

Je ne suis certainement pas objectif, mais Cohen par Allwright, c'était autre chose. Le bilinguisme, pour traduire, ça aide.

Ça aide à être fidèle, et ça aide à être infidèle. Toujours grâce au DVD, j'ai découvert la version originale de "Demain sera bien" : "Tonight will be fine". Elle est plus enjouée, plus polissonne, et plus triste à la fin, que la traduction d'Allwright. Celui-ci — si proche de Cohen en tant de choses et en tant de mots — a retourné la chanson : de la nuit au jour, de la malice à l'humour, de l'amertume à l'espérance.

Pour ses 70 ans à l'Olympia, Allwright a chanté une version magnifique de "l'Étranger" / "Stranger Song" en français, anglais et malgache, avec Erick Manana. Leonard Cohen, de son monastère zen, avait envoyé un télégramme.

Billet spécial de publicité : pour entendre ou réentendre "L'Étranger", venez à Aubervilliers le 22 mai. Erick Manana, et un vieux monsieur de 87 ans à la gnaque de djeunz, ne manqueront pas de l'interpréter.

Notes

[1] Cité de mémoire.

[2] Il y a, étrangement, deux hommages de suite devant le monument à Gabriel Péri ; celui de la Ville et celui du parti. C'est le parti qui avait diffusé le Chant des partisans.

[3] Sauf que sur cette page web, on lit "Holy Dark", qui fait un peu Star Wars, à la place de "Holy dove". Wikipedia nous dit que cette modification est de Rufus Wainwright.