Je suis bien d'accord avec le jugement qui condamne Jérôme Kerviel à rembourser le montant que sa fraude a fait perdre à la Société Générale, soit 4,9 milliards. S'il a réalisé tout seul les opérations qui ont conduit à ce désastre, c'est logique.

Je suis bien d'accord avec l'avocat de la Société Générale, qui s'indigne des arguments de Maître Olivier Metzner sur les 1,7 milliards d'impôts économisés par la banque :

"«On a été totalement transparent, on n'a rien majoré du tout (...), il est indubitable que Jérôme Kerviel, par sa fraude, a fait perdre 4,9 mds d'euros à la banque», a répliqué sur Europe 1 Me Jean Veil, avocat d'affaires réputé, l'un des trois conseils de la Société Générale.

«Ayant moins gagné d'argent» du fait de cette «fraude», la banque a «évidemment» payé moins d'impôts, a-t-il poursuivi, jugeant cette situation «tout à fait normale»."

Et puis… un grain de sable. Ce dernier mot fait tiquer. Logique, cohérent, soit, mais "normal" ?

Peut-il y avoir des situations "normales", une application "normale" de la loi fiscale, quand l'outil de travail constitué par une grande entreprise (outil informatique, organisation, contrôles…) permet à un salarié seul d'engager 50 milliards[1] et d'en faire perdre 4,9 ?

N'y a-t-il vraiment là aucune responsabilité de la banque ?

Ne serait-il pas normal de condamner Jérôme Kerviel à rembourser le maximum de ce qu'un trader peut faire perdre à son entreprise dans un système décemment constitué et contrôlé - et de considérer le reste comme légitimement à la charge de l'entreprise ?

À laquelle une organisation défectueuse a fait perdre, à mon humble avis, l'essentiel de ces 4,9 milliards - moyennant quoi, il est parfaitement légitime qu'elle ait payé 1,7 milliards de moins en impôt sur les bénéfices ;-)

Notes

[1] Soit la valeur marchande du travail de 50 millions d'habitants en pays pauvres - ou de 1 600 000 Français.